Le silence fait des tours de piste.
Un instant, je me rembobine à mon histoire. Plus rien ne bouge entre les dunes où je serpente comme un orphelin. Et puis nous deux, sur les marches de l’escalier, nous deux abrités sous le réverbère du regard ému. Noueux comme le sort entre nos bouches, noueux comme le bois taillé puis placardé sur nos visages. Nous buvons le thé vert des heures mortes, j’ai la langue des étoiles éteintes entre mes lèvres.
Si l'on ne meurt pas, on en renaît en lâchant prise face à l'inéluctable et merveilleuse responsabilisation de soi. Que pourrais-je porter de plus dans ce goitre où l’enfer du monde remplit l’espace prévu pour la rature et pour l’indomptable terreur de la solitude ? L’homme s’efface à la lumière. Mon âme s’émiette dans la nuit cassée. Quand l’amour ne suffit pas, le néant s’assied à notre place. Le cheval du temps danse, il ne dira pas ce qui s’écrit au couteau. Le silence fait des tours de piste en attendant le douze décembre de chaque année. Ton cri est dans l’arbre et les oiseaux s’envolent. L’épure est funambule, le langage vient d’ailleurs et sa localisation reste impossible. La vie est sur place, le feu est plus loin.
Et si Aimer était un consensus avec soi, avant même que d’être une envolée vers l’autre ?
Il demeure néanmoins cette extravagance que l’on tresse pour en faire une cabane de soie. Il est le témoin d’une assistance privilégiée mais vulnérable. Il est cette épidémie fiévreuse qui nous oblige à garder le lit et à recevoir la charité d’un cœur secourable. Il m’invalide tout autant qu’il me force au progrès. Et il ressemble, ici, à une agonie séculaire dont il faut se débarrasser avant de pouvoir se remettre sur pieds.
- Bruno Odile - Tous droits réservés ©