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LA COLLINE AUX CIGALES
21 avril 2013

Le détachement.

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Voilà, ma sœur, pour envisager la poursuite du voyage, il est temps de se défaire des mots placardés sur nos sommeils défectueux. Je t’écris depuis l’orbite qui danse dans ma tête, assis dans les fougères vertes brassées par le souffle de l’émotion.  

Ce matin, j’ai bu au soleil levant. Tes yeux avaient le goût des jeunes pousses de blé. Ta mémoire flottait dans la mienne et tout paraissait en double épaisseur comme sur un tableau de Van Gogh. Une douce émanation d’un parfum fleuri pénétra mes narines, puis mon corps tout entier. Des odeurs de romarin et de pins mélangées ont réveillé des images conservées dans ma mémoire. Tu étais là, marchant dans la pinède, quelques fleurs sauvages entre les mains. Le Mistral chantonnait ses refrains les plus connus et tu cueillais des boutons d’or parmi les orties.  

Druide du temps quelle est ta potion ? J’ai la bouche pâteuse et le sang qui fait des boulettes. La nuit tombera dans ma gorge. J’aurai l’âge de la salive qui court au ruisseau. J’aurai l’heure haletante de la seconde qui fourche. J’irai à toi pour m’en revenir à moi tout neuf. Vêtu de transparence, pantalon de branches mures et chemises d’acacia aux boutures persifleuses.  

Bah ! Tu sais le bonheur ne se mérite pas. Il s’effiloche sitôt touché. Fragile conglomérat d’incertitudes et de caprices, il ne se brigue pas. Il advient spontanément lorsque nos cœurs se frôlent. C’est une bête curieuse qui s’effarouche à la moindre contrariété. C’est un tissu délicat qui souvent s’essouffle avant même d’avoir terminé sa course. 

Cependant, a contrario de l’heure fuyante, tu es et tu demeures mon excroissance, mon tubercule, mon appendice. Chaque frottement à la paroi de mon cœur se traduit par une inflammation. La plèvre est terriblement sensible. Mon cœur, aussi. 

D’un premier abord, ta nouvelle adresse est déjà tout un programme.

Il me serait doux de me prendre en mains comme tu le fais. Du moins, s’il est possible d’éviter les ronces de la conjoncture et si l’accès des morts est encore un chemin vivant. Tes mains sont toujours des boutures d’infini où la confession du jour peut se déplier au bout de l’ombre dans laquelle dorment les abeilles. Dans cet essaim de loges sucrées où la pénurie n’est pas de mise.  

D’ici, j’entends ton cœur battre dans l’étroit chemin de l’adolescence. Tu habites le siège de mes tourments et de mes abandons. Je me livre sans doute plus à toi qu’à moi-même. Mais cela n’a pas d’importance. Dans ce cheminement, il n’y a qu’une joie étouffée cherchant sa délivrance, qu’un bonheur sombre plongé dans la naissance de chaque chose.  

Je t’écris avec rien dans les mains. Je dessine les mots avec le bistouri qui crève les abcès, avec la lame des couteaux de la prière veule. Le silence fait toujours grand bruit dans les clairs obscurs de nos solitudes. Il toque à des portes ouvertes, il s’épuise à grimper jusqu’à la parole retenue. Puis, il s’éventre comme un samouraï pour honorer le vide.

L’étonnement se glisse dans les mots. L’écho est là, même s’il surprend. La communion de nos âmes fâche l’ébruitement murmuré des soliloques. Une voix parmi les voix retentit, elle sublime l’instant et elle déshabille le néant de sa couche superficielle.

  

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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