La fumée qui s’envole par la fenêtre.
Il faut que la mort de ceux qu’on aime nous soit traduite par la volonté désespérée de vivre encore plus entièrement. Je me concentre pour accueillir ton départ comme un cadeau d’existence, et non comme un fardeau. Cette mort a fait renaître en moi l’ardeur, elle a ressuscité l’audace et l’ambition de vivre la tête haute et le cœur léger. Ainsi, je ne dispose pas des moyens pour vivre pour deux, mais je m’applique à vivre deux fois plus intensément.
Tu es partie, et j’ai senti comme quelque chose qui se soulevait en moi. Comme un ballon de couleur qui s’envolait. Comme une brise se dérobant de ma peau.
La seule véritable épreuve, c’est la mort de l’ange qui nous habite. Cette flammèche intérieure, sensible à l’air, émotive et délicate. L’instinct la maintient éclairée le plus possible. L’amour la rallume !
Vienne l’ombre croisée à la lumière, la nuit sans grâce est éphémère. Bercé par les nuages, ton visage silencieux porte le masque de mes fantômes. Je n’ai pour t’atteindre qu’une misère, une colline aride aux flancs asséchés. Dans la garrigue, les feuilles du chêne s’en vont sans bruit. Coule un faux jet d’eau, jaillie une fontaine sans eau. Ta mort s’est glissée dans le silence, et la pluie chasse la terre et lave les pierres. Ce que nous avons vu nous appartient. Autant d’étoiles et de ravins, le monde comme une main tendue, il n’y a rien d’autre que soi-même au cœur de chaque horizon. Je t’ai perdue sur une rive où s’endort un corbeau. Nos mains sont des lavandes où se cachent nos cœurs disparus dans la nuit. J’embrasse ton parfum, mais j’ai peur qu’il soit trop tard. Une colombe jaune a perdu ses ailes en chemin. Nos souffles tissent encore la fumée qui s’envole par la fenêtre. En demi-teinte sur le canon des heures perdues, un brin de muguet crie sa détresse.