Ce n’est que cela.
Tes reins sont des à-peu-près indéfinissables. Tu cambres et je ne sais pas la droiture de tes inspirations. Tu m’échappes comme je m’échappe du jour qui dicte mon pas. Je marche sur le chemin inconnu qui nous précède. Laisse-moi m’agenouiller, un peu. Je dois renouer avec la terre. Je dois me conduire comme si j’étais maître des ombres qui m’entourent, comme si j’étais propulsé dans le nuage obscur qui se dirige vers toi. Des yeux qui ne sont pas miens regardent la route. On ne sait jamais où l’on va. On s’enrôle aux pas qui nous conduisent, pensant toujours prendre la bonne route. Ce n’est que cela. C’est la sensation d’être présent à la croisée des chemins, et d’en choisir un plus que tout autre. Un but à atteindre lové dans la paume de la main et un destin sous le pied que l’on pose. Tu vas et tu vires, pourtant. L’échappatoire réside toujours dans l’ombre du visage que l’on croit voir tout au bout de la brume. C’est le mirage qui devient la constance d’une stricte vérité.
Etre ce que l’on va dire, au moment où l’on va le dire, toute l’emphase est là. La réalité est une poésie discursive. Le vrai n’a d’incidence que sur ce qui est touché, peloté et transfusé d’émotions en émotions. Le senti n’a de goût perforant que lorsque nos papilles s’exaltent. Une framboise entre les lèvres berce le sommeil des graines sauvages. Je suis assommé, mais vivant. J'en ai encore la voix qui tremble entre chaque respiration. J’ai le pouls de tes frissons au fond de la gorge. Et, je m’accommode avec le désir d’arroser la vie qui pousse dans les cimetières, toujours en quête de la parole appropriée.
Mais nous le savons, la mort ne sera détruite que lorsque nous flirterons dans la paix de la réunification perdue. Ce n’est qu’à cette condition que l’éternité s’agrandira de nos heures pleines d’étincelles, et nous y serons comblés, car nous n’aurons plus à nous dédoubler, ni à nous mastiquer à la lumière. Nos poumons s’abandonneront à la grâce fluide des discours thésaurisés, à l’effluve gracile de l’amour tonique. Alors seulement, je pourrai venir à toi d’un simple murmure, du chuchotis ruisselant qui résonne de mon être. Et, n’en doute pas, je viendrai. Je viendrai le cœur en bandoulière comme un facteur d’amour portant un courrier doux. Et je respirerai l’odeur du camphre dans ton sourire.