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LA COLLINE AUX CIGALES
25 septembre 2012

J’ai froid, j’ai faim, je ne veux pas y croire.

p1uszpwkLa mort nous surprend toujours. Le déchirement provoqué par la perte nous fait sombrer. Le monde devient trop petit, on étouffe. Je suis tombé si bas que je ne peux plus me relever. Toutes les secousses du monde me paraissent étrangères, lointaines. Brisé, je me répands comme tes cendres. Une poussière grise recouvre le vert de l’herbe et le jaune du soleil. Tu disparais en demeurant présente. Tu n’es plus là, physiquement, mais toute entière dans mon cœur comme une ivraie mal contenue. Les mains se froissent et l’esprit se tord. J’ai froid, j’ai faim, je ne veux pas y croire. 

On ne sait pas pourquoi on naît, on ne sait presque jamais pourquoi on meurt. Entre ces deux extrémités, il y a tous ces tremplins dérisoires qui nous projettent comme des pierres sur l’eau. Un parasol s’ouvre, et le soleil caché derrière, chante une lumière qui n’atteint plus nos bras, nos corps et nos visages. Il faudrait se faire une raison, ou bien refuser de naître comme nous le recommande Emil Cioran. L’obligation de se faire face émaille le miroir du reflet serein. Le retour d’image est décapant, cruel, glacial. Illusoire. 

Mon existence relaie la mort, le vide et l’inoccupé. Elle transporte l’oubli dans la chair du temps comme une rougeur inaltérable. Tu m’as laissé plus que des cendres, tu m’as ouvert le silence comme un trésor enfoui sous mille lieux. Je respire à la surface et te retrouve dans la profondeur. Les aiguilles de pins se sont rassemblées sur le chemin, nos pas font maintenant du bruit. Il n’y aura jamais assez d’arbres dans la forêt pour déboussoler mon cœur comme tu le fais. Je marche aveuglément vers la clairière. J’entends le hibou et la lune qui se chamaillent. Une goutte d’eau agrandit la mer sans se soucier de la vapeur qui lui échappe. Je ne remplace pas ton absence, je nomme l’aube naissante parce qu’elle a tes yeux. 

Je m’essouffle à considérer le singulier. Je suis pluriel. Une lumière me transperce, les majorettes de l’air enlacent l’onde qui danse au rythme de la flamme jaillissante du cœur. Comment garder l’équilibre sur le bord du vide ? Des semelles invisibles aiguisent l’incendie qui me parcourt. Dans ma poitrine, j’ai de la vie pour deux. Tout commence dans l’abîme de mon sommeil. Je suis mon propre chemin. Je m’entasse sur l’absence que tu m’as laissée et je deviens absence à mon tour. C’est la mémoire qui me sauve du chaos. 

Si je te vois, te sens et te parle, c’est bien que tu es là. Tu es partie avec la parole qui ruine l’horizon, et tu es revenue avec l’émotion chavirante d’un effluve d’alcool. Je ne te quitte pas d’un hoquet. Je suis assis sur ton cœur et je rame. A côté de moi, debout sur une feuille de vigne, une fourmi fait la même chose. Je suis dans la rigole où s’écoulent les poussières du temps, et je ne le savais pas.

 

 

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Commentaires
S
Tu es une merveilleuse cigale. J'adore ton chant.
B
Le seul sommet que je connaisse est celui de la colline aux cigales. Autant dire qu’il n’atteint pas des cimes très élevées. Cependant, je suis toujours sensible à ton regard et je m’en vais me relire. Merci à toi.
I
Ce texte atteint un sommet, lequel je ne sais pas, mais il va loin, très loin, sur le rebord du bord du fil. Vraiment très beau !
LA COLLINE AUX CIGALES
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