Désenfanté.
Je résiste aux lueurs de ton visage qui accaparent l’air tournoyant tout autour de moi. Faut-il partir ? Rester ? J’habite la forme brève de la pensée. Mon cœur diffuse son émotion comme une tisane de tilleul répand son parfum sucré dans la chambre que j’occupe. Une lumière d’hiver éclaire l’olivier millénaire. Les mots qui me viennent à l’esprit sont des nuages blancs sensibles aux cendres de l’eau qu’ils transportent. Ici, la fiction incarne l’impossible à nommer, l’immesurable distance qu’il peut y avoir entre un objet et la main qui se tend pour l’attraper. Je crois que l’on meurt enserré par l’étouffement de ce qui ne se traduit pas.
Assis sur la roue des ombres, j’avance vers une lumière inconnue. Je lave ma mémoire dans le blé foisonnant de l’enfance souriante. Mon regard voudrait sortir de son orbite, mais ton image m’empêche de passer. Trop d’images labourent mes pensées. Ta mort serait mise à nu que ma vie resterait empalée sur le vif. Le bois sec ramassé chaque jour en prévision du feu tremble déjà sur les flammes qui soutiennent ta disparition. Les tremblements inavortés secouent l’air impassible. La douleur dans sa force non violente s’appuie sur la confiance qui nous unit. L’espoir essore le silence. La roue du moulin reste muette et la rivière poursuit son chemin.
Sur la route sinueuse qui dévale la colline, des outils sont tombés sur le sol. Notre roulotte est descendue dans la plaine. Plus légère. Sans cric, les roues n’ont pas d’avenir. Nous terminerons le chemin à pieds. Tu vois, je me crois assez fort pour mourir debout. La mort tire, avec elle, les traits incolores qui n’ont pas marqué le ciel d’une saillie pénétrante. Elle repose là, dans le trou profond des évidences assurées de leurs bonnes figures. Puis, la vie maraude et chaparde, creusant dans le masque même, d’autres masques plus petits et plus insidieux. Plus pure que l’ivresse, la mort fleurit dans son tonneau de sel comme le jour qui tarde à se lever. Nous n’avons pas besoin d’elle pour nous dire « je t’aime ».