Saillance. (4)
Nos rêves se relèvent mouillés, trempés. Ils transfèrent le réel dans un lieu clos, dans une pochette surprise. Le hasard brûle les pistes et nos pas s’engouffrent entre corps et pensées. Nos cœurs bernés tournent le dos à la fuite, à l’absence, à la lame qui poignarde nos yeux. Nous sommes prisonniers de nos frontières d’amour. Nous reculerons les frontières jalonnées d’esbroufes. Après ces heures mortes, nos pieds sont devenus des sabots dans le ciel. Je sens bien que tu me tires. Je ne vois plus rien. Ta voix me revient dans le creux de ma bouche. Un ange passe, chevauchant les flammes bleues qui rabinent ma langue. Toujours la même clarté entre tes doigts. Toujours le chahut des colombes qui équarrissent les ombres purulentes. Mais, tu me hisses plus haut encore, bien au-delà de l’école du temps. Et il pleut des pupitres rongés par les ongles de l’angoisse.
Tu es l’événement qui dépasse. Tu es plus large que la lumière. L’infini est à ton échelle et je n’arrive plus à grimper sur les barreaux de caoutchouc devenus trop sensibles. Il me semble approcher la démesure qui me réduit à l’état de poussière. Avec toi à mes côtés, j’ai perdu l’Eden pour laisser place aux jardins criblés de gouttes d’or. Ton aura est une fenêtre par laquelle les soubresauts de la matière remplacent la pensée. Je m’insère dans le rayon de blanc où tu m’introduis. Mon cœur est un pigment de lumière qui survole. J’habite le dépassement.
L’empiétement de ta voix traîne dans mes fibres comme un clin d’œil souriant. Je voudrai parfois cesser la course où tu me conduis. Je voudrai arrêter de pourchasser l’horizon qui laisse croire à l’espoir qu’il est une promesse. Déconcertées, les nuits orphelines oublient la destination pour se consacrer au voyage. Mais, des champs de batailles restés en amont éclaboussent de toutes parts la fêlure que la parole voudrait suturer. L’encre de ma voix unifie tous les points d’une page blanche en une seule marque indisposée à s’étendre.
Irrégulières, inconstantes, non alignées, les marées s’essuient sur le sable. Une étrange lueur affiche son eau bleutée. Tu sais combien tout est nu sous la robe des mots. Un papillon s’envole entre mes doigts. Chaque aube se réveille dans la poudre de la nuit où le rêve a bâti son audace. Le délestage naturel lance le premier pied qui touchera la terre.