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LA COLLINE AUX CIGALES
22 avril 2012

Nos yeux sont des brocantes.

imag66esMon corps pèse lourd, si lourd que ma peau repliée dans la terreur du noir se filtre comme un terreau de longue date. Le derme de la mémoire se purge du fumier qui l’alimentait. Dans l’ombre, je me relis doucement comme ces solitudes qui ne savent plus bavarder d'elles-mêmes. Mon cœur s’éventre et des vagues tranchantes décapitent l’écume de mes songes. Je vogue vers toi sur mon radeau de fortune. Il s’agit sans doute du navire de l’enfance et de ses bouées dégonflées. L’intuition y est secrète, flottante.

J’ai l’impression que mes sens sont acculés à une forme d’anéantissement. J’éprouve des difficultés à tailler le brouillard, à sculpter la fumée blanche pour y faire renaître ton visage. Ma vie toute entière bascule dans la seconde où je t’écris. Tout est flou. La marche que j’entreprends ici redouble parfois cette sensation d’isolement qui me déhanche.

Mais avec qui d’autre pourrais-je marcher si ce n’est avec moi-même ! Nos pas sont corrompus par la vérité des chemins qui n'ont pas de fin, eux aussi. Et dans cet avancement, cette évolution inévitable vers demain, nous emportons la griffe de nos cicatrices ascendantes. Toujours chargés de la blessure comme d’une protubérance perturbatrice, une excroissance parasitaire.                                                  

Déshéritées par les projections vers l’avenir, nos vies et nos morts se gravent à l’inconnu. Nous trimballons le rêve qui nous unit dans l’emportement violent des contresens, des antinomies, des ressemblances perçues par les sensations et les émotions qui nous écartèlent. Nous sommes perdus dans une fourrière de contradictions où nos esprits sont des vapeurs, des sueurs intimes. Elles n’ont cependant rien d’une vérité consensuelle. Car nos interprétations engagent nos âmes et nous appréhendons le monde de nos implications à le dénoncer. Nos pensées transforment nos êtres et elles assainissent toutes les vérités pour finalement en traduire qu’une seule : la nôtre, prédominante et prédatrice. 

Nos raisons agissent sur la matière aussi sûrement que leurs substances nous interpellent.

Nous sommes dans l’action du rassemblement perpétuel de nos certitudes avant qu’elles ne se disloquent, se dispersent et s’évaporent à nouveau pour nous conduire inlassablement à cette quête de réunification capitale : l’acceptation de l’intraduisible, la concorde des divorces inéluctables avec le réel qui nous éprouvent.

Il nous faut cependant marcher dans l’inconnu, pour qu’il y ait découverte. Je viens donc à toi d’une chevauchée fraternelle et unifiée, dans la pertinence d’une douceur plus souple qu’une plume. Je chemine dans le revirement des marches où se fait à l’envers le pas qui a méconnu sa vaillance, sa gaieté, son statut de randonneur puéril.

Mûrir et aoûter cela veut dire que l’avenir est encombré par le passé et que nous ne sommes qu’une réponse éventuelle à l’appel de l’infini. Toutes les saisons se résument dans la présente. L’instant prend toute la place, il s’élance vigoureusement à la poursuite de sa validité et de sa franchise. Il nous déplace dans les heures tardives qui se jouent de nous, et son maelstrom incessant disparaît dans le nombril de notre existence.                                                                               

Tu es presque là… Nous nous agrippons à chaque liberté et nous lui faisons perdre la tête. Je ne sais quel est ton emportement. Je ne sais pas ce qu’il advient des larmes qui ont mouillées la poitrine de notre séparation. Ma folie est de croire que j’aime ma misère et mes faiblesses comme des enfances vulnérables aux coups de bâton du temps. Et je viens vers toi dans l’échappée, dans l’interstice, dans la brisure où les poussières de mon âme ont germé.

Rien de ce qui s’affirme dans le jour n’a la carrure du rêve que nous faisons. Des blattes enfumées s’endorment doucement au fond d’une penderie. Le ciel est chargé de métal et la foudre rebondit d’arcane en arcane jusqu’au fin fond des ténèbres.

Des passerelles pour les mots se disputent le droit de passage. Dédouanée de tout désoeuvrement, la parole s’inscrit comme une peinture à doubles faces. Des croûtes prennent forme. Dans les mailles du sang, quelques copeaux empêchent le déversement naturel. Dans l’absolu, le gouffre se méprend d’une intention qui le dépasse.

Parmi les franges obtuses de l’étendue qui nous surplombe, ta main tâtonne encore le tissu qui nous sépare. Tes yeux aux taquets du monde cherchent le pont suspendu entre nos labyrinthes et ta langue voluptueuse flotte avec les mots de sauvegarde : pardon, excusez-moi, -s’il vous plait-, merci.

Je n’éprouve plus rien sur ma peau depuis que la tienne est devenue cette fumée qui me recouvre. Ton teint a celui des mémoires ensevelies depuis des siècles de poussières d’eau.

Quelque chose bout comme une eau de tisane. Mais chaque degré étouffe davantage l’essence du thym qu’il faudra boire.

Pareil à l’air, je cherche la voie la plus courte.

Le bonheur s’échoue dans une jouissance précipitée.

Nos yeux s’enveloppent dans le duvet de la nuit. L’ouverture est ronde comme une lune. Bouches d’air de fortune, quelques étoiles filent si vite dans le ciel que leur trajet de lumière s’évanouit dans l’obscurité. Je veux de temps en temps quitter la force de mes yeux pour dormir en dehors du gâchis que le noir embourbe de ses inondations.

Ce qui est défini par les hoquets du temps me définit. J’exècre toute définition.  

Dépersonnalisé, l’amour n’est qu’une rivière blafarde, qu’un chanfrein maculé de bravoure sur un champ de bataille où l’herbe ne pousse plus. Nos voix sont des coques flottantes sur la mer. Le déchirement les aiguise. Le plaisir les déguise.

Ton cœur touche le mien et l’explosion qui s’en suit ramifie nos paupières. Dedans ou dehors, il en est de même. Donner vie à son rêve. Donner corps à l’évasion transperçante du désir. Nous insufflons à nos chairs neuves le béguin du bois. Nous flirtons avec l’écorce protectrice de l’éphémère qui nous traverse.

L’enfance est une vie qui se reconstruit en permanence. C’est pour nous le moment d’être durable, authentique et de ressentir une subtile supériorité sur le temps écoulé. Nos yeux sont des brocantes, nos mains veulent toucher l’argile à laquelle elle donne forme. La silhouette de nos humanités se malaxe dans l’accessibilité de nos intimes démangeaisons.

Mon toit recouvre ta tête et je bois à la pluie ruisselante s’infiltrant à la trouée de l’instinct qui reflue. Dehors, les fentes se sont comblées. Les mots détachés de la morale courent la source dégoulinant la pierre. Ton odeur d’eau épouse la parole. Tu parles distinctement le refrain des gouttes qui perlent sur ta langue. Une série d’arc-en-ciel se pavanent dans ton regard. Nous broutons, ensemble, aux rais colorés de lumière. Nous ne finirons pas le jour, son assiette est trop copieuse. Nos restes iront aux oiseaux.

Une hirondelle coquine becquette les miettes restantes. Nous nous parlons sans mot pour que rien n’intercède.

L’absence se préchauffe déjà. Que pourrais-je te dire qui ne soit déjà ferré à l’instant qui s’échappe ? La mémoire dure comme une perle au fond des mers. Tu nages sur mes lèvres et le filament d’écume se dépose comme une ombre embrase toute l’obscurité.

Un pas solitaire meurt sous l’olivier. La mort après avoir été longuement pleurée ricoche, elle est aveuglée et contorsionnée de sa propre effusion.

Nous avons déjà dit mille fois cette barrière aux cœurs emmêlés.

Nous allons puiser à la pierre la stèle incommensurable de l’échouage. Nos profondeurs mangent nos salives. Les mots s’appuient sur nos carences pour échapper à toutes dérives. Un crépuscule artificiel plonge sa bave à l’intérieur de nos yeux. L’heure dans l’heure crapote. L’instant dévisage. La clarté résiduelle et leurs fragments retenus dans mon ventre illuminent ce que la voix n’a su dire. Un baiser noir se moque de nous. La lumière te plante ici, mais c’est ton ombre qui t’emporte au-delà.

 

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Commentaires
B
Heureusement la tendresse ne se mérite pas.<br /> <br /> Je suis comme un pari jeté par-dessus la rambarde de l’audace. Après l’orage, c’est pour moi l'impossible retour de l'innocence crevée sous la plume. <br /> <br /> Un flocon se brise dans l’onde fluctuante du marin qui se dessale.
N
On ne reçoit que la tendresse que l'on mérite...clin d'oeil...<br /> <br /> Ce texte, je l'ai lu plusieurs fois, je n'ai pas fini ma lecture, je vais revenir, il m'enrobe,m'attire, et tout ce qui m'enrobe, m'attire, m'oblige à sortir, pour respirer et revenir...
B
L’inertie est meurtrière, c’est la démolition de l’avenir. La tendresse ajoute à la clarté de l’aube une fine lueur de bleu. Le ciel n’en est que plus grand.
J
oui un sourire tendre<br /> <br /> pensées de loin
B
Parfois, nos enfances nous précèdent. Elles orientent le sens de la marche.
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