Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LA COLLINE AUX CIGALES
1 février 2012

On a toujours le choix.

nuejauneFaut-il avoir le courage de son naufrage ?

La lucidité va avec l’angoisse. La vérité tue. Sûrement. Faut-il, donc, composer avec le mensonge ? Rien ne demeure intact, en dehors, de l’infini. Etrangers, sauf en cette soif où affleure une eau impensée. Nos petites vies sont des sacrifices jonglant aux frontières des espaces déterminés, clos de frontières naturelles. La terminaison de notre histoire replie la mosaïque d’un temps déroulé, d’un passage furtif, d’un lieu de départ continuel, d’un périssable permanent. Clamer sa vérité serait prétendre l’avoir trouvée. Du moins, partiellement. Du moins, momentanément. Et, te dire la mienne n’a de sens que si, nous acceptons de l’écriture, son tombeau et sa course avide vers l’indéterminé des fuites. 

Dans cet artifice, aucun cadeau n’est le bonheur. Car, il lui faudrait être tous les cadeaux. Et, je ne peux, et je ne sais quoi t’offrir qui ne soit en mes fibres, couvés par l’irrationnel qui m’attise et m’emporte.

Que s’est-il passé ? Je ne sais pas. Un décrochage vertigineux immaîtrisable. Mon cœur est dans un terrier. Mes sens sont blottis contre la terre. Mon souffle est aussi lent que celui du sommeil des nuits de pleine lune. Mes mains n’arrivent plus à saisir, mes poings sont fermés. Ma langue flotte comme une hirondelle plane dans le ciel. Mes veines sont des fuseaux horaires, d’infimes grumeaux rouges s’envolent vers des destinations inconnues. Je flotte en moi-même et je dérive je ne sais où.

Bien des mots éclatent comme des pétards. A la hache, à la hâte. A partir de là, un autre monde, une autre histoire, des grillons naissent sur le plancher qui se relève. Les mots ivres des tisanes avalées, les phrases triturées d’absence, les ponctuations marquant l’averse des disparus. C’est la fuite des saisons qui nous tenaient la main et qui nous brocardaient la langue. Nous avons tant semé dans la terre ingrate où une heure vaut mille ans que la mémoire qui reflue pèse une tonne.

À présent ou à jamais, boiteux de nos parts insondables, l’avenir n’a rien de sérieux à nous proposer. Nos racines sont au ciel. Nos ventres ont pris l’air. Nous sommes retournés comme des baleines à l’envers, comme des croque-mitaines évanescents et le visage de nos mots maladroits se meurent de l’envie qui trésaille. Tout l’air entre par les yeux et s’insère peu à peu dans tous les organes. Sous la peau, les vagues d’hier ont lacéré jusqu’aux fondations. Des murs entiers se sont rompus. Des pans de souvenirs se sont écroulés dans mes pieds. Et, il faut néanmoins marcher. Ruiné de soi, il faut toujours marcher. La lourdeur nécessite le mouvement. Tu es en moi comme le rocher de Saint-Pierre la mer où, enfants, nous ramassions des coquillages, lorsque le drapeau rouge flottait sur la plage.

C’est encore dans l’arrachement des vagues que j’entends le mieux les frissons de l’eau froide qui nous éclaboussaient.

Le chant de la nuit est creusé dans le noir. Je suis riche de mes rêves comme nous sommes riches du sommeil partagé. L’autre jour, après le repas, je me suis étendu sur le lit de ma chambre. La fenêtre entrouverte, les volets semi clos, le calme doux d’une pause, le jour était dans une trêve de lumière. Profitant de la pénombre tranquille, j’ai retrouvé ton murmure tendre des après-midi de sieste. Le même qui nous protégeait de la canicule durant les vacances d’été. Ta voix chaude pénétrait dans le creux de mon oreille et je me suis laissé bercer comme une plume soupirant au silence. Je dormais dans la proximité de ton souffle, l’esprit enroulé dans un grognement de charabias intraduisibles où l’écriture des sons parfumait nos âmes du lait des premières heures. Puis retentit la langue insensée des cœurs qui font des pirouettes. Des danses où la lumière s’incruste jusqu’à l’éblouissement. Un trou de blanc crevant la rétine. Les cils brûlés, les sourcils taillés comme effacés du visage. Tes lèvres brunes se sont dessinées sur le plafond blanc. Tu me parlais assise dans la mort du temps, et je n’ai pas tout compris. La parole traverse les corps comme une pierre transperce l’air. Le lien volatile disparaît simultanément. Et, je ne sais toujours pas ce que je dois retenir des leçons que tu sembles me donner.  

Nous avons échoué sur une plage vierge. Une île faite d’amour et de brins de muguet. Nous habitions alors les cartes d’un tarot, incarnant tantôt un pendu, tantôt l’excuse, tantôt le bateleur.                

Mon cœur se lève au-dessus des labours comme une autre lumière survenant dans le jour. Et partout le feu s’oppose à la nuit. Chaque ferveur brise le silence qui nous protège et nous ensevelit. La mort est la plus sûre liberté. Mais, je la refuse. Ce lieu où tous les combats s’annulent, je veux y accéder en perdant tout. Je veux croire en une liberté sans choix nécessaires. Je sais ! C’est déraisonnable. Mais, je m’en fiche.

Il y a tant de choses que je ne veux pas savoir. J’aime penser en roue libre. J’aime courir après cette pelote d’air qui se dévide toute seule. J’accepte mon ignorance et je la revendique. C’est mon bouquet d’évidences, mon chapelet de quiproquos, c’est ma porte ouverte vers ce qui reste dissimulé sous la voûte où les débris s’entassent.

On a toujours le choix… Du plus exalté au plus désespéré. Notre existence se plie à notre détermination.

La longue marche existentielle nous contraint à souffrir, à détester, à rejeter, à prendre ce qui est. Et, plus encore. A force de croiser le soleil mes yeux oublient son ruissellement. La constance de l’éphémère se heurte à la dureté des imprévus comme aux sournoises étendues qui durent. On ne s’échappe pas. Jamais. Ni de soi, ni de l’histoire que l’on a vécu. Il s’agit seulement d’une intensité plus ou moins violente, d’une huile brûlante remplaçant notre sang et d’un coton adoucissant la cicatrice.

Publicité
Commentaires
B
La vérité de chacun a toujours sa part d'exactitude incontournable. Mais sans utopie pour l’ensemencer au cœur des hommes, elle est une pierre au milieu de l’océan, une brûlure du présent qu’elle enflamme. <br /> <br /> Toute la froidure de la montagne aura du retard sur l’amour qui recouvre la peau des bourgeons plantés dans nos cœurs. La vie s’enfonce entre deux vagues d’ombre mais je sais que nous nous sommes touchés. La parole fait tomber les mots sans espoir, le doute incruste ses syllabes à l’écho des aurores déglinguées. Des chemins nous font des signes désespérés, et le périssable de l’instant c’est nous.
I
Vous lire, B.,est toujours une vraie halte à l'orée de quelque chose qui parle avec justesse et acuité de votre vérité - car la vérité de chacun à toujours sa part d'exactitude incontournable. Et c'est là que se fait le petit moment de respiration partagée, la possibilité pour qui veut (ou peut) de com-prendre. Votre texte est particulièrement beau et ce "beau" si usé d'être usité prend ici toute sa vastitude.
LA COLLINE AUX CIGALES
  • Dépotoir et déposoir de mots, de pensées... Ici repose mon inspiration et mon imaginaire ; une sorte de maïeutique effrénée et dubitative et il me plait de pouvoir partager à qui veut bien.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 207 341
LA COLLINE AUX CIGALES
Publicité