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LA COLLINE AUX CIGALES
4 décembre 2011

Et puis, tout le contraire.

christiansalaun_3778978_ombres_et_lumieres_femme_nue_allongaOe_sur_le_dosJuste être là… avec deux doigts d’ironie, une pincée dépoussiérée, une larme reconquise. L’entaille est déjà faite. On se retrouve comme on s’est quitté ; on se quitte comme on se retrouve.

Le temps se reçoit comme un cadeau. Chaque choix est un couperet pour les centaines d’autres qui auraient pu… Ici, ailleurs ? C’est toujours en soi l’apaisement et la tornade. Le Rhône emporte les vieux troncs déchirés, la Camargue boit toujours aux pattes des flamands roses qui s’envolent colorer le ciel. 

Le désir provoque. Il cogne à la porte des retenues. Il accompagne le hululement des chouettes cachées dans la nuit noire. L’eau de tes lèvres est pillée par l’envie qui me préoccupe. La vie comme une mémoire à mille pattes traverse la gouttière où s’entassent les débris de nos rires. Le désir est plus violent que les papiers froids, plus torrides que les relents de nos dérives. Il signifie l’injonction qui nous dresse comme des chevaux se cabrent.

Et vois-tu, nous sommes restés là dans tous les mots mâchés. Dans le silence des cathédrales où se sont terrés la musique de nos orgues de barbarie et les violons de nos âmes. Nous sommes enfermés dans le trémolo qui n’a jamais quitté le sac de nos entrailles. Deux barytons aphones se disputent encore la mue de l’octave qui déchirera nos voix.  

Ce ne sont plus les jambes de la nécessité qui parcourent la terre des labours et des semences, mais les yeux désespérés de leur solitude. Un vautour survole le marais. Nos mains planent au-dessus de l’enclume cachée dans nos buissons.

Mémoire cellulaire, tu souffles sur mes braises et je m’enflamme à nouveau dans le repenti des ombres. Une autre fois, un autre jour nous creuserons le sable. Une autre fois, un autre jour, l’heure disculpera le temps qui retournera à la pendule. Une autre fois, le jour s’ôtera de sa plèvre sèche, et nous sentirons l’angélus qui se récite dans les sillons de l’aube. Plus tard, nos obstacles s’évanouiront dans l’oxygène de la respiration qui ressuscite le silence de son écume suppliante.

Etre pour faire, pour dire, créer, donner, prendre, recevoir, plastiquer, refaire, redire, parler, s’essouffler… Et puis, s’en aller, repartir, et s’étourdir d’être encore là où l’on n’est pas. Un éclatement berce l’éclair replié sous les paupières. Tu dors et j’escalade tes songes.

Il n’y a pas d’existence sans la nuit qui la précède. Il n’y a pas d’amour sans le péril susurré par les lèvres tuméfiées du désarroi. Il n’y a pas d’aboutissement qui n’ait été d’abord précédé par un anéantissement. Rien de ce qui me fait n’est mien. Tout est un ferment d’apocalypse. Le monde a cessé de tourner rond dés l’aube aratoire et la scarification du premier bourgeon. A l’ovale des jours se récitent des parallèles fragiles qui complotent dans le silence des géométries avec le trou noir des autrefois.

Mon sang est le goudron de mes yeux. Tes mains bitument l’asphalte sous les os. Nos langues se délient. La vie s’invente bien avant la vie. L’art ne décrypte rien de ce qu’il propose. Tu me changes et me prédisposes à l’angle qui retient la traîne de l’éveil. Tout se déroule et se désembobine. La lumière ronge nos cœurs. Nos chairs épousent le gant invisible où nos voix plagient des alphabets morses. Nous possédons le toucher que nous incarnons. Des boites de conserves brinqueballent derrière nos pieds. Le réel n’est réel que dans l’élan qu’il accomplit.

Toute survivance est un exode, un relent calfeutré dans l’inspiration, une muse providentielle surprenant la ration d’écume quotidienne. Je suis ce que je crois être. Le rêve vide ma gibecière d’infini. Je suis ce qui existe, et tu prends, tu t’accapares mon peu d’idéal comme une pieuvre s’agrippe à une proie qu’elle décapite. Combien je conçois ici l’indispensable de l’inutile. Combien j’aborde la vacuité dans sa représentation sine qua num. Je voudrais pouvoir bringuebaler l’obsolète. Lui conférer sa désuétude à prétendre son invisibilité. Ce qui est périmé se dénature. Mais…

Ce n’est pas dans le sable humain que notre tumulte laisse des empreintes. Ce n’est pas derrière le silence que nos limons se retroussent. Nos terreaux sont des paupières, chaque motte, une larme. Chaque senteur d’écorce pleure l’arbre perdu.

L’exubérance malicieuse du silence ponctue le fantôme qui s’est glissé dans la voix. Derrière la porte des perceptions nos sourires allongés se relèvent la tête haute, le buste droit, et nos litières anciennes sont devenues des nids pour de nouvelles naissances. On va, de sommeils en frissons, succombant de l’arrachement à la suffocation. Nous émergeons dans la fêlure, et je te ramasse dans l’attachement des mémoires comme un tout amputé de ses jambes.

L’espoir a été une civière, un brancard dérobé aux anges. La mort a dispersé toutes les étoiles dans son surmenage de vide. Elle a torturé le projet. Oui, c’est bien elle qui a désossé le durable, elle qui a persécuté le désir et l’a rendu caduque. L’unité précaire de nos corps et de nos esprits s’éparpille. La rupture force l’éloignement à faire son œuvre. S’il te plait, ne vas pas trop loin. Je t’attendrai. Ou bien tu m’attendras. Nous ne nous quitterons pas. Du moins, sans nous accoucher dans l’ombre qui nous emporte. Va ! Reviens ! Je titube… des allées et venues incessantes bouffent tous les chemins, usent les semelles de l’espoir, catapultent nos visages à des années lumière.

Tu n’es plus un lieu. Tu les occupes tous. Décomposée dans le dernier temps qui soit, la confession du silence déboutonne le jour de ton départ. Nous sommes nécessairement en danger. Il faut rendre ce qui nous a été donné.

Pas le temps de finir, pas le temps de terminer. Pas le temps de nous inscrire dans la durée percluse d’ambre évasive. Il nous manque l’heure atemporelle. « Mourir de rire et rire de mourir », disait J. Prévert. Il nous reste le rire, parce que nous ne le possédons pas. Parce qu’il remonte en nous sans que nous en connaissions sa source véritable. Parce qu’il perfore les tubulures d’indigestes sanglots. Parce qu’il admet le dérisoire que nous voudrions effacer. Parce qu’il rit de ce que nous pleurons.

Nous nous renverserons encore. Parce que la controverse nous anime. Parce que le silence fait du bruit dans nos yeux. Parce que nos vies contiennent l’échec reformulé et la tentative désespérée. A moins que l’échec soit la raison même de l’existence. Peut-être aurions-nous dû admettre la côte fêlée de l’oracle, le présage de la vieillesse insufflée à nos corps d’enfant ? Peut-être avons-nous suscité à l’amour un dessein qui ne lui appartient pas ? 

Nos failles sont des tirelires et nous ne le savions pas.

Je ne cesse de ressasser le désir retroussé, la vulve où s’insémine l’intention qui n’a su rendre compte de son élan. Au fond qu’est-ce que le sentiment d’échec ? Une appréciation quantifiée, une subordination subjective, une allégation rétrospective, une assertion confirmant l’inaboutissement ? Bah ! C’est de toute manière, arriver dans un lieu inattendu et s'y installer.

Je crois qu’il est vain de prétendre échapper à l’anéantissement du vécu partagé. C’est une toile collée à l’intérieur de nos peaux. C’est une maladie étrange, une espérance de l’absolu où rompt la matière pour se fédérer à la poésie vivante au fond de nous. Je ne peux donc ni te tourner la tête, ni t’accoutrer des habits que je t’avais choisis. Tu sais, je te regarde au fond de moi, et je scrute ce qui pourrait m’apporter un salut, une sérénité dépourvue de toutes complaisances, une obole réconciliatrice avec l’existence naturelle, avec moi-même, et ce qui intercède pour que je devienne un croissant de lune à côté de ton étoile. 

Tu t’inscris en moi comme une racine longue et profonde, pointue à fendre les chairs. Dans le consentement de la sève, ta nuit rêve à ma nuit. Circonvolutions fines qui tracent des traits sur l’épaisseur de l’air. Des volutes charpies dégringolent de nos têtes comme les pièces d’un puzzle à reconstituer. A genou dans l’impuissance de notre cœur à cœur, nos yeux dans nos mains et nos mains sur la fine couche de nos respirations, nous nous aimons comme une mer s’étreint de son sel. L’élan est tendre et invisible. Artisans de nous-mêmes, nous déchiffrons les bosses et les courbes de nos sculptures à la force de nos poignées et de nos muscles communs. Nous retentissons comme un bombardement intensif au cœur des plaines humaines, aux cœurs des peines amoureuses.

Nos yeux se frôlent comme deux berges où naissent les tempêtes d’éclairs. Sous nos chairs indisciplinées s’éteignent les alternatives qui n’ont pas d’emprise. Lentement les rebonds d’amour catapultent nos sommeils de plume et nos cœurs hébergent nos attirances comme un nid d’oiseau où la vie à naître s’écaille.

L’abandon se cambre de lui-même. Il nous offre sa face tactile et nous sommes rongés d’une corrida de gestes immobiles. Tout ce qui rompt avec la possession et le sentiment d’appartenance nous dépite. C’est la grande cascade de la mort qui ne se voit pas. L’engagement se débride et nous sommes contraints de nous en retourner seul tout au fond de notre âme. L’estocade trempe sa lame dans la nuit de l’encrier. Et t’écrire devient un râle, un entre-deux dans le creux de la fracture que je remplis de mots. Car, il faut remplir, il faut garnir le trou, bourrer le vide. Et puis bander l’ombre que les yeux ne voient plus. Faire de la nuit un immense tombeau et de la vie une fenêtre ouverte sur la promesse.

Nous partons prendre le plaisir au lieu même où il est né. Nous brandissons nos flammes inassouvies comme des étendards, des bannières où le -Au secours- est écrit de notre sang.

La joie chaotique ruisselle de ses sursauts, libre de ses errances, en quête du langage du rire, du langage universel des langues et des musiques intro linguales. L’accès au silence surgit sous la langue et déploie nos eaux de roche comme un torrent de montagne à la fonte des neiges. Nous sommes la transition et l’éveil du monde. Nous sommes dans le devenir de l’ébullition qui fricote avec nos palabres anciennes, avec nos inconnus tramages de l’histoire du monde. Nous nous charpentons de nos poursuites à nous chercher, à nous déceler, à nous étourdir des précipitations qui accélèrent les cœurs. Nos cadences ont quitté le soufre de nos volcans et nos braises deviennent de lentes sensations chaudes qui boivent à nos dilatements. Nous enflons dans l’immobilité du recueillement. Le mouvement agite nos fonds gazeux. La mer se réveille et avec elle nos douleurs enterrées sous les sarcasmes des éternités redeviennent un placenta transitoire. Tu es la membrane duveteuse où s’habille l’ovation du jour qui vient. Je le sens. Je te sens.

Tu es cette miette de lumière qui illumine l’absence première et qui me fait redouter l’abandon sous toutes ses formes. Une douceur merveilleuse remonte de tes yeux clos et je comprends mon impuissance à franchir la distance qui nous sépare. Je m’y résous malgré moi en te supposant proche. Je construis pour toi un espace où le rêve s’accomplit de tes fragments. Dispersé en fragiles morceaux de cristal, je me décortique à l’écorce de tes mots et mes épluchures se tamisent à ta mer dans le délié des vagues qui t’emportent.

Enfin, l’idée de toi, entière et dévolue, plane fugitive aux coins de moi. Derrière mon visage. Tout cet abandon poignarde la vie sous les jours qui ne disent mot. 

J’ai vu des océans se remplir de moelles, j’ai vu ta mort embellir l’existence et des tirades d’amour se bâtir sur l’épreuve des jours.

Et pourtant… là où nous avons été, l’heure est dite.

Certes, il y a nous et ce que nous désirons. Certes, il y a nous et le rêve que nous confions à nos raisons désordonnées. Mais, il y a aussi le réel en terme de passage obligé. Le quotidien et ses bulles de savon. L’avant de nous-mêmes qui n’a pas fonctionné et que nous voudrions corriger. Bref, il y a l’écho qui nous rappelle le lit brûlant de nos fantômes. Toute notre fortune est un caveau à vin pour nos prochaines ivresses. Là-bas, la couture des ombres se coud à nos langues. Nous brodons des sons aux vertiges et nos silences sont des lieux où nos cœurs se posent dans la poitrine de l’autre. Et je suis toi là où tu n’es plus rien.

L’étonnant du bilan que je pourrais faire c’est qu’il n’est ni fait ni à faire. Il est. Et, il résume ce qui ne se conclut pas.

L’amour est-il cette différence dans laquelle nous nous confondons ? Si tel est le cas, se confondre est-ce abolir sa propre personnalité ?

Nous reste-t-il assez de gouaille pour nous barbouiller des cendres qu’il nous reste ?

Le dodelinement des erses amoureuses auxquelles nous sommes suspendus suffira-t-il à reformuler ce qui s’enlise dans l’absence et l’abandon ? L’obscurité n’a pas d’os et pourtant elle se démembre en moignons éclatés comme le tronc d’un vieil olivier se fend à la rigueur d’un froid glacial. Regarde-moi, regarde-toi, le jour est en train de revenir et tout persiste néanmoins à vouloir finir.

Non décidemment, aujourd’hui, il fait trop noir pour imaginer une quelconque dimension. L’essentiel est enfoui dans des a priori nébuleux. Retrouver l’apaisement en t’invitant dans mon esprit serait une gageure. Mon présent est une étuve où s’hérissonne la clairvoyance. Tu es une pierre dans mes yeux et le lit du temps y coule comme un ruisselet au milieu de la bouche. Je rampe en moi-même. Trop de fils barbelés m’enserrent. Et l’excipient où se déverse sans retenue le flot des idées sans forme, me laisse choir d’une parturiente douleur intraitable. Le chaos est envahissant et la pulsion de vie s’embrouille les jambes dans un tournis irrépréhensible. Je vais dormir. Dormir de mes mille yeux fictifs dans les couloirs d’un exil provisoire. Dormir dans l’attente morte des coursives de l’enfermement insoutenable qui réanime par force ou par défaut le balbutiement des aurores neuves. Dormir de cette mort latente incrustée en moi depuis le premier jour et confier à la vie le recours gracieux qu’elle offre aux nomades. Et je me heurterai encore à ta mort inachevée.

 

 

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