Entre l’aube et la mer.
Ce matin, ton cœur est revenu du cimetière, refusant de s’endormir entre les stèles de pierre et les paradis arbitraires. Il marche sur une jambe traînant avec lui des aubes défraîchies. Il est debout sur ma langue criant à la mer de se retirer du port où il a laissé des ancres encore toutes jeunes.
Oui, c’est un cœur marin navigant aux quatre coins du monde. Il s’accroche aux voiles et va où le vent le porte. Il connaît l’Asie, le Groenland et la Normandie. C’est un routier, un nomade, un globe-trotter.
Ce matin, ton cœur est revenu avec le vent qui siffle dans un coquillage. Il a le visage d’un harpon et les mains pleines d’écailles de nacre. Des poissons se cachent dans les algues, la mer est devenue sans fond prononçable.
Tu as le cœur des histoires inachevées et sans attache. Je l’ai vu quelquefois amarré dans des carrières de sables. Mais jamais plus longtemps qu’un silence d’été ou d’une escale printanière.
Ce matin, ton cœur est revenu tout nu dans un vide captif où je contemple, dans la lenteur de la mort, le rouge vermillon des ciels remplis d’audace. Plus rien ne brille en dehors de cet accordéon de mémoire où sanglotent quelques notes perdues.
Ce matin, c’est ma vie qui ausculte le brouillard dépeuplé de tous les navires du monde dans la profondeur des volcans.