Encore là ! Toujours là !
Sous les semelles de la terre foulée s’est écrit en des lettres à mille caractères l’urgence de l’inassouvi. Tant d’heures blanches pour ne dire qu’une absence migrante, un chaland glissant de ports en ports, une dégénérescence qui échappe à la volupté. Tant d’heures molles provisionnées pour ne témoigner finalement que d’un silence approximatif, d’un tue-tête vaseux. Tant d’ignorances amalgamées sous les couvertures du ciel renfermant des odeurs de feu mélangées à celle de la lavande de mes émotions. Tant de rencontres avec soi par l’intermédiaire des autres. De tous ces autres aux visages sans regard, aux lèvres fermées, aux joues saillantes, aux vies étrangères.
Et tous ces mots nés dans le manque. Et nos voix moquettées d’abstinence. L’usure du lien, comme une fatalité de glace sordide. La mélancolie comme un voile de parfums inhalant le compromis des blessures vives et des cicatrices à jamais refermées. Passéistes de nous-mêmes, nos errances deviennent nos sauvegardes et nos chavirements profonds d’où nul éclusage ne suffit à éviter de sombrer.
Dérisoires vétilles que ces mots
habités par l’anecdote. Ces mots pourfendus d’échecs qui se sont glissés dans
la mangeoire d’un vocabulaire inexpressif, inextinguible de ses tentatives à
répondre à l’absolu inexistant, à répondre à la carence fourragère des
lendemains sans carriole et sans graines à semer. Et tant de paroles lâchées au
vent et aux prières pour compenser le vertige des vides qui terrassent. Dire et
puis dire, et dire encore… Le débordement, le flux grondant de la vague qui
gonfle, le ressac de l’immensité qui s’abat comme une foudre sur l’instant, sur
l’immédiateté figée, transite, momifiée à tout jamais dans une coque d’éternité
poussiéreuse et sans plus d’avenir tangible.