Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LA COLLINE AUX CIGALES
19 juillet 2010

L’abandon.

femmes_nues

Sur nos lèvres et dans nos regards, l’abandon glisse sa lame froide. Les serments n’auront pas suffits. La résistance s’est construite dans l’impuissance et l’abnégation asservies aux désastres de la tragédie des hommes.

La peur nous ensevelit et nous recouvre de ses brûlures. Incise, l’heure tremblante est une débâcle, une déroute. Nos mains liées se sont rabinées comme nos langues fuyantes des sources chaudes, et le sentiment de solitude accentué par la brûlure s’enterre dans nos visages comme une lune va creuser la nuit pour refléter son immensité immobile.

La solitude effarée de son silence invisible nous apprend que nous ne sommes jamais seuls. Que chaque courbe de l’horizon porte en elle tous les chemins des hommes, tous les égarements, tous les lieux perdus que nos rêves grignotent, toutes les espérances inhabitées comme des corps perdus, des corps vidés de la douleur inopérante et du vide qui fait garrot.

De cette ficelle fragile, vivace et impalpable, des angoisses invisibles et insidieuses sont nées. Comment t’exprimer, alors, ce que je ressens… ? Ici, il y a dans l’abandon toute la distance qui nous unit à ce que nous logeons comme une terre d’asile, un bras de mer, un visage buriné d’amour lointaine. Notre havre d’échos où se recommence l’éternité juste après sa chute. Juste après s’être défaite et déliée du noir obscur, dans l’écroulement de nos désirs. C’est là, dans ce lieu caduc, que nous élucidons ce que nous avons dû concéder pour être. C’est là que nous étanchons vraiment notre isolement abrupt. C’est là, aussi, que l’inépuisable se meut dans l’abondance des soliloques de la terre humaine. La lumière provient de la faille. Le jour demeure l’ondée de sa brillance. Et, seules, nos étincelles parcourent les lieux sans frontière.

Lorsque tout a été jeté, il faut sauver derrière soi ce qui n’a jamais été ramassé. Parce que derrière est une sonde invisible, un retour immergé dans l’enfance, un relais à la perdition des heures gonflées d’émotions têtues, prégnantes et inachevées. Nos rêves sont des combats contre la médiocrité du monde. Des sentinelles inavouées, des phares noyés dans la nuit de nos tourments. Le réel y fonde ses avanies, ses culbutes et ses dérisions. Cénacle des vertiges et des courages, la sublimation se brode au plus profond de soi. Je suis le locataire de ton absence. Je suis l’abonné perpétuel du temps enfoui dans les abîmes cachés des sensations et des perceptions incontrôlables.  

Ma faiblesse existait avant moi, ma blessure est l’incarnation de la désinvolture du monde. Et, je ne sais m’éveiller autrement que dans l’habitacle de mes os, dans la charpente de bois inoculée des vers de la mort qui creusent tout au long du chemin la pâte chaude de l’existence.

J’apprends à te parler en dehors de l’étau des voix, dans l’ecchymose des mots, dans l’orage de la salive de mes grondements, de mes grognements. Dans ce gisement de songes où ta tombe est un nid de poudre de lumière. Ta mort nous a quittée. Demeure dans la lourdeur de l’ombre un repos essoufflé, une maille de vie où se tricote les ruines bêchées aux miracles de l’amour. 

Nous sommes unis de tout ce que nous avons abandonnés. Nous sommes liés de nos déserrances, de nos inassouvissements, de nos débordements à faire jaillir les transes rebelles, engouffrées dans la confusion de nos naufrages, dans le froissement de nos vies. Complices, notre sang séchés, plaies sur plaies, nous cicatrisons dans l’abandon. Nos croûtes taisent le venin du chaos où sommeille ce qui de nous a abdiqué. Négligemment, nous fléchissons de cette déréliction et le délaissement renouvelle la fraternité de nos émotions. Il n’y a plus d’obstacles à franchir, nous occupons la forme ouatée du renoncement comme la musique privilégiée de nos âmes.

Publicité
Commentaires
L
Dans l'abandon, jeter à terre les armes et les armures, se redécouvrir...<br /> Très beau texte, le mot "densité" me vient à l'esprit.
V
La révolte comme ultime et pathétique forme à l'abandon et aux renoncements?bien à vous
LA COLLINE AUX CIGALES
  • Dépotoir et déposoir de mots, de pensées... Ici repose mon inspiration et mon imaginaire ; une sorte de maïeutique effrénée et dubitative et il me plait de pouvoir partager à qui veut bien.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 207 340
LA COLLINE AUX CIGALES
Publicité