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LA COLLINE AUX CIGALES
18 juillet 2010

Friedrich Nietzsche

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« Nous sommes fatigués de l'homme »

Friedrich Nietzsche La Généalogie de la morale

Le philosophe allemand nomme nihilisme ce mal qui pousse l'homme à renoncer à s'interroger sur sa condition et le plonge dans la dépression.

Par Martin Duru

Imaginons un homme qui, au réveil, se présente devant son miroir et s'adresse ces propos peu amènes : « Tu me dégoûtes », « Tu me fais pitié. » Cet homme est fatigué – et fatigant. Il offre tous les symptômes d'un mal profond que Friedrich Nietzsche a baptisé du nom de nihilisme. Qu'est-ce donc que cette pathologie inquiétante ? Sous ce terme, l'auteur de la Généalogie de la morale entend un mouvement fatal de dépréciation de la vie. La « volonté de puissance », concept central qui désigne l'aspiration de chacun à déployer ses forces dans le monde, se retourne contre elle-même et développe une logique de ressentiment contre le réel. Du coup, l'existence ici-bas est rejetée au profit de constructions spéculatives instaurant une vérité transcendante, à l'image du monde intelligible platonicien ou de l'au-delà chrétien. De telles fictions de nature métaphysique et religieuse ont précisément pour vocation de dénigrer l'ordre du sensible.

Selon le philosophe allemand, le nihilisme est implanté dans les gênes mêmes de l'Occident et, à ce titre, il prend son essor au cours de l'histoire, jusqu'à atteindre son paroxysme à l'époque moderne. L'humanité européenne entre alors dans une ère indéfinie de déperdition du sens, pris dans sa double acception de signification et de direction. Les valeurs existantes se dévalorisent, « les buts font défaut ». L'indifférence se propage tel un désert et désormais l'homme ne veut plus que le « rien ». Il renonce à s'interroger et à créer, il n'est plus porté par aucun projet… y compris pour lui-même. L'homme a cessé de croire en ses possibilités. La petite phrase marque ainsi le sceau d'un nihilisme achevé : l'homme démissionne de sa propre vie et se vide de tout désir d'avenir. Sa condition lui paraît un fardeau insupportable et il s'oublie dans le travail acharné et la recherche du confort matériel.

Sombre tableau que cet homme ayant perdu toute foi en lui-même – sombre, mais d'actualité. Le spectre du nihilisme moderne continue de hanter notre monde contemporain. Le sociologue français Alain Ehrenberg décrit ainsi le dépressif comme un être qui, dans nos sociétés où l'initiative et la performance individuelles sont érigées en impératifs catégoriques, éprouve une soudaine « fatigue d'être soi » et se retrouve dans l'incapacité de se donner des perspectives pour le futur. L'homme las de lui-même a encore de beaux jours devant lui.

Friedrich Nietzsche en six dates

1844. Naissance à Röcken, en Allemagne.

1871. Enseigne la philologie à Bâle et publie son premier ouvrage, La Naissance de la tragédie.

1880. Vie d'errance entre l'Allemagne, la Suisse, l'Italie et le sud de la France.

1887. Rédaction de La Généalogie de la morale.

1889. Crise de folie dans une rue de Turin. Il ne retrouvera jamais la lucidité.

1900. Mort à Weimar, en Allemagne.

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et nous de la femme !
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