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LA COLLINE AUX CIGALES
17 octobre 2009

→ B 024 – En suivant.

latoilette1930

T’écrire nait en marchant et meurt dans des labyrinthes que je piétine comme des feuilles froissées et craquantes d’un automne prolixe. De nos chaos, des lueurs remontent et viennent suspendre nos détresses comme des étoiles que le noir de la nuit illumine dans l’épaisseur de nos mots.

La lumière transporte des fougues que nul autre élément ne saurait transplanter. Un mot est toujours greffé d’un peu de lumière. L’inscription au début méticuleuse devient vite brouillonne et il faut épouser l’éclair pour en traduire une petite part. Dans l’éclat, les mots sont des sciures indescriptibles. Tout s’enfuit si vite que la feuille où j’écris se plie sous le poids du dire, un peu comme nos êtres se fanent à l’appel d’un sommeil de plomb.

Ne te dire que la flamme qui héberge ma tendresse, que le flocon qui s’évapore presqu’instantanément, pour que ton monde recueille le mien, pour que tes yeux absorbent le visage de mes buées et pour que nos égarements soient ces radeaux qui flottent sur nos sources emmêlées.

Je me sens si dépourvu, à l’amarre du muet, aux socles des encres de silence, dans le pouls de ma soif qui n’a d’autres tremplins que le chemin de mes lèvres et de mes mains. Ecrire et t’écrire comme un chirurgien qui coud les notes de son piano pour délivrer une cohérence qui bascule comme un poteau fragile, un langage de poussières où l’effondrement créé le souffle qui recouvre la salive de mes racines en exil. Nos cristaux sont les pelures de notre caillou là-bas dans nos ventres où se déchirent nos échos et nos cris d’enfance tenus en respect par la folle danse de nos peurs. Dans nos miroirs la crainte est à l’image des courants d’air qui habillent nos vertiges. Nos voix sont des ponts qui par moment joignent nos rives et par d’autres des écharpes qui s’enroulent à nos paroles. Ce sont les mots qui nous traquent et pas le contraire. C’est eux qui marquent le pas dans nos statues immobiles. Dans nos chairs sont inséminées les avalanches par lesquelles s’effondrent nos soleils et nos tempêtes. Nos mots sont parfois des matadors en habit de lumière donnant l’estocade et parfois des gavroches chantant : « je suis tombé par terre, c’est la faute à Voltaire. Le nez dans le ruisseau, c’est la faute à Rousseau… »

Nous sommes ces misérables aux accents en pointillés dans la résonnance de nos êtres.

Si tout lieu neuf est une pomme à croquer, nos pieds sont des chiffons où s’essuient nos lunes et nos bouffées qui mijotent dans les aubes à naître. Nous marchons doucement sans que les images de nos miroirs nous possèdent. Nous nous accomplissons dans la halte. La halte où se taisent l’écriture et la parole pure. Dans la paume du silence comme un poing refermé, dans la pause où s’écoule et se répand l’ombre comme un nuage chargé de pluie fraîche et douce, nous croisons nos aveugles murmures et nous déplions nos pas pour écouter leurs traces qui s’enfoncent sous nos peaux.

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Commentaires
B
Desiree, merci de cette appréciation. Peut-être, comme lui, je suis sourd des rigueurs qui me conduisent. Rire.
D
Que voulez-vous écrire après un texte comme celui-là? Après Mozart il convient de se taire, après vous aussi parfois...merci.
B
Complexus : En suivant le saillant, souvent l’ombre décline son identité. J’aime sentir le bouleversement, là où la faille devient une aspiration. Là où l’on ne peut plus reculer et où avancer nous oblige au face-à-face.
C
je passe, survole, entends une musique et glane quelques notes saillantes, repars avec des mots qui me traquent et me dirige à la halte où accomplir quelque chose encore inconnu... ;-)
B
Pierre : Un mot porte avec lui cette part infime de lumière dont nous ne savons pas grand-chose si ce n’est qu’elle vient de très loin. Merci des tiens de mots, Pierre.
LA COLLINE AUX CIGALES
  • Dépotoir et déposoir de mots, de pensées... Ici repose mon inspiration et mon imaginaire ; une sorte de maïeutique effrénée et dubitative et il me plait de pouvoir partager à qui veut bien.
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