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LA COLLINE AUX CIGALES
19 octobre 2009

→ B 025 – L’intime énigmatique.

Les_baigneuses_1923

Il faut quitter, sans partir, toutes ces terres de lune aux reflets nocturnes. Il faut partir de soi encore plus loin. Et dans des terres en charpies, délester les pluies et les ravinades, déposer ailleurs le temps révolu, le temps perdu à ne savoir que faire des heures ligotées, des moments en fagots déposés sur le sol incultivable à l’abandon, dans l’amas des buttes et des dunes, à l’accumulation des poudres et des vapeurs de fumées. Se détourner et revenir à soi comme un navire revient à son port d’amarrage initial pour retrouver ses premiers anneaux.

Il faut partir, sans quitter, se défaire des peaux anciennes, se déshabiller des habitudes où rouillent jusqu’au moindre filament, la moindre particule. Laisser à la lumière le souffle neuf des nouvelles querelles et des nouvelles tempérances. L’ouvrir comme une valise et l’occuper à l’aube comme une robe de chambre.

Quelque chose se passe qui ne me concerne pas et qui me concerne entièrement. Quelque chose d’innée et de solitaire, quelque chose d’acquis et de multiple. Quelque chose de l’écoulement d’un sang devenu lave volcanique, quelque chose d’une marée de lave, d’une vague bouillonnante figeant l’instant sous une croute dure et compacte. Seules quelques cheminées inséminées aux hasards des courbes laissent s’évader une fumée blanche nacrée et une odeur de bouillies sulfurées. Le réel bave son crachin de poudre et d’étincelles, le réel fait corps à la vision du monde. C’est le sensible qui décortique, qui dépèce, qui fait lien aux tissus de vie, à la peau des mémoires préservées de l’origine.

L’imaginaire dégrève le souvenir de ses songes les plus épais, les plus lourds, les plus sordides parce que empêtrés dans les racines de l’angoisse première, celle qui démasque le jour dans le premier cri qui accompagne la naissance.

Quelque chose se passe qui ne me concerne pas et qui me concerne entièrement. Quelque chose qui reste encore inconnu, sans forme et sans conceptuel. Dans la halte insoutenable, l’inconnu a quelque de chose de méprisable et d’indéfini que les sens mesurent sans pouvoir en extirper un appel, sans pouvoir en déterminer une voix. Une pellicule vierge d’un film enregistré sans qu’on y soit présent et dont le scénario nous inclus malgré nous. Désarticulé, le cri saigne sa provenance comme une rupture exacerbée de l’irrémédiable. L’écriture est toute proche du vertige. Elle glisse sous l’écorce, transfuse un message mort depuis le début auquel la puissance de la vie n’a de cesse de chercher dans ses voyages, le moyen de ressusciter le mot de délivrance. Sous nos yeux se déchire le tissu de la parole. Le langage opère de reconstruction en reconstruction, d’exil en exil, l’éparpillement de nos flambées sauvages dont l’éblouissement nous rend aveugles.

S’il vous plait, donnez-moi un peu d’ombre, un peu de clairs-obscurs sous les paupières du monde. Un peu de silence de la lumière, un peu de répit à mes algues incrustées dans la voix…

Il faut quitter ce monde pour un autre et ne rien emporter. Il faut avant même d’être charpentier, être bûcheron. Il faut rameuter le vocable sur toutes les cimes du monde et plonger dans le ciel de tout son corps. Se dépouiller de l’inquiétude et habiter le rire. A la racine se ré-habiller de l’empreinte de l’éclat.

Partout, rien n’attend la suite. Ni la saveur, ni la discorde. Juste vivre l’émeute dans l’émeute, juste être de la salve du passage, il faut brûler la permanence pour n’être que le feu qui lèche la source du néant. Il n’y a pas de vie sans parcours. L’épure n’est qu’un pronostic, qu’une chance posée sur la spirale des tragédies humaines.

Entends-tu gémir au fond des cavernes l’amplitude du présent à l’infini ? La migration d’être, cernée de tous les remparts de l’Avoir, hurle sa non appartenance à l’insatiable. Et pourtant, caché dans le présent, la soumission à l’invisible cohorte des soliloques nomades nous oblitère de nos ferments. La mise à mort de la réalité enfle nos promesses et nos espérances d’où surgissent nos matières infracassables.

Mon sang coopère à la lumière du temps et je n’en sais rien.

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Commentaires
B
laurence : Il est des bruits comme des cloaques de feu et de lumière. Il est aussi, des bruits qui ne sont que des rumeurs. Moi, c’est le bruit du vide qui m’émeut : il a tant à dire.
B
Bougrenette : merci de ta lecture.
L
le bruit des joues<br /> posées<br /> effleurées<br /> par un doigt <br /> le bruit lentement écrasé qui suinte <br /> pendant des années sans se cicatriser <br /> le bruit <br /> rythmique<br /> tangentiel <br /> qui s'interrompt<br /> puis reprend<br /> le bruit dans la rue qui me cache et que je cache la dans mes poches comme un bonbon<br /> je regarde l'arbre<br /> Il me répond?<br /> NON
B
"alors nous faut-il boire au feu qui nous consume sans souffrir la flamme qui nous lèche." je vais retenir ceci ici, et dire oui à chaud ;-)
B
laurence : La peur peut être un projet ou son avortement, et je persiste à fumer, et je persiste à me résoudre de ce qui me dissout. Peu m’en chaut de trembler, peu m’en fait de brûler. J’existe dans le oui, le non me tue pareillement. <br /> Dans le presque rien de la babiole se joue souvent le chaos qui nous accouche de ce que nous sommes. Soit presque rien, mais aussi presque tout. On se découvre les doigts crépitant, alors nous faut-il boire au feu qui nous consume sans souffrir la flamme qui nous lèche.
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  • Dépotoir et déposoir de mots, de pensées... Ici repose mon inspiration et mon imaginaire ; une sorte de maïeutique effrénée et dubitative et il me plait de pouvoir partager à qui veut bien.
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