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LA COLLINE AUX CIGALES
16 octobre 2009

→ B 023 – Jusqu’à là-bas.

lalangoureuse1932

Lorsque j’ai les yeux fermés, ma famille c’est le monde. Ce monde qui parcourt mes veines du jour et de la nuit, d’amour et de paroles. Ce monde de silences et d’éclairs où se conjuguent les hommes et les hirondelles qui traversent les points de nulle part qui débordent nos frontières et nos vérités. Paupières closes, le monde se dessine tout seul, se respire sans compromis. Il est là et ne demande rien, pas même que l’on occupe son espace. Pas même que le noir et le blanc du jour et de la nuit s’intercèdent à tour de rôle, pas même que la passion s’y installe, pas même qu’une voix y dépose un son.

Car sous les paupières se fabriquent les attentes. Les attentes des hommes, leurs règles, leurs interdits et leurs promesses. Dans ce tout petit interstice, cette micro fissure, cette membrane souple et légère la vie complote avec ses rêves. L’idée grandit, s’amplifie et augmente jusqu’à son point culminant : le désir. Dés lors, c’est à sa détermination que va répondre le feu. La soif est d’autant plus grande que le monde est semé de toutes parts de beautés et de bontés naturelles. L’inspiration y est propice et sous le moindre rocher ou la moindre mousse, le parfum du silence, lui-même, vient hurler la plaie inondée de vie que l’on peut entendre dans le tic-tac du cœur. La pure respiration du vrai que l’on pressent dans certaines paroles, lorsque l’émotion fait vibrer nos cordes vocales. La parole est tremblante ou le murmure à peine audible ramène des sources premières l’écho par lequel la voix est née.

Le mot vient dire. En fait, il fait plus que dire, il raconte. Il peint l’onde de sa vibration la plus sûre, la plus juste à l’écoute, à l’entente. Même si personne n’entend sa véritable lueur, son véritable sens, il traverse tout notre corps pour clamer et prêcher la parole que nos souffles exultent vers l’extérieur pour soulager le non-dit des remues ménages qui secouent notre dedans. Là aussi, un lieu sans frontières et sans apparences, juste de la chair vivante qui réagit comme une peau nue à l’air et à la violence des poussières et des cendres mal éteintes qui se battent en duels pour façonner la croûte protectrice qui recouvrira le frisson de nos prières lorsque nos êtres se délient.       

La sentence, nous la portons sur nos visages. Nos rictus et nos grimaces parlent naturellement cette voix silencieuse. Et nous voudrions encore crier nos désespoirs à ne pas savoir enterrer nos tragédies ailleurs que dans nos ego relatifs. Nos altérités de compassassions, nos entités invocables aux noms des hommes reclus dans la fournaise de leurs soliloques et dans la bouche brûlante de cet égocentrisme grégaire qui nous autorise la plus grande complaisance ; la même que nous refusons à notre humilité pour accueillir l’autre dans sa différence et dans sa particularité d’être, lui aussi, encarcané de cette fatuité arrogante de l’isolement irréductible.

Plaindre et se plaindre, c’est la même voix, la même parole de la résignation à tuer la révolte avant même qu’elle ne se soit engaillardie de l’audace suffisante à défroquer le fragile de nos âmes engluées au miroir de nos vaines compétences aux scrupules de nos entités pensantes comme aux déraisons où reposent nos véritables tourbillons. 

Ecoutes le chant du ruisseau se plaint-il de couler vers la rivière, souffre-t-il de connaître le débordement de la fonte de neige ?

En lui résonne la musique inaltérable qui offre à ses cascades et à ses chutes la clarté des vigueurs aussi évocatrices que les flammes qui crépitent dans l’âtre de la cheminée les jours d’hiver où le vent souffle à s’époumoner du froid qu’il répand.

Sous les paupières, à l’intérieur des yeux retournés, les images défilent. Nos tristesses pénètrent nos désirs, nos insuffisances s’ébrouent comme le fait un chien au sortir de l’eau. Gouttes d’eau que rien ne résorbe et qui éclatent tout autour formant une aura de lumière. Gouttes d’eau noyées dans l’immensité du paysage. Gouttes d’eau que la folie de la joie vient lécher sur les joues de nos orages à nous déployer tels des vagabonds en exil sur le plateau fixe de nos horizons.

La légèreté et la pesanteur se meurent réciproquement l’une dans l’autre. Un état de suspension fait office de parenthèse. Partant de moi, j’arrive à toi par tant de filtres. Une douleur, je ne sais laquelle accompagne toujours le moindre fait et geste. Un pleur endormi toujours prêt à se réveiller. Un fragile se souffrant lui-même. Une mine anti-personnelle prête à exploser au moindre effleurement.

Nos pendules personnelles et nos temps privés claquent les ombres de nos encombrements. Chaque sensation pure est un vertige. Douceur et force ont un rythme analogue qui s’annule. Le dénuement le plus absolu n’est ni doux, ni amer, il s’efface dans d’autres dénuements comme des poupées russes en nombre indéfini. L’existence toute entière n’est qu’une preuve de l’épreuve des heures qui s’abattent sur nous comme une pluie d’avides gouttelettes réunies en un torrent d’annonces. Chaque annonce domine et domestique une autre annonce ; se regroupant ainsi jusqu’à rejoindre l’océan de nos besoins. L’étendue n’a que la forme de ce qu’elle occupe. Elle épouse tout si parfaitement que le vide n’existe que dans l’apparence. C’est dans la déconstruction de ces vides que l’éternité réside.

La vérité du chiffre zéro, départ de tous les nombres. Le commencement de l’infini comme un insaturé qui s’auto-sature par son ampleur et sa non domestication. A perte de vue, jusqu’à là-bas, jusqu’au terme d’une annonce, jusqu’à la mort de la vie qui ressuscite dans le prisme de chaque pulsion revendiquant l’espoir comme une chrysalide se métamorphose.

Il est des jours où je me dis que l’immédiat est plus rapide que moi. Il est des bouleversements que l’inattendu chante dans le tout proche et qui me trouve dépourvu comme une racine qui ne sait encore rien de la caresse du soleil. Juste que c’est vers sa chaleur qu’il faut aller. « A quoi reconnaît-on la parole juste ? A son silence. » « Qui danse jusqu’à l’aube ? L’étoile. »

Un feu m’éloigne de la tentation, celle des loups qui rugissent en moi. Un feu me réchauffe du froid glacial qui pourrait me rigidifier comme une stalagmite au centre de l’espace, au centre de tous les espaces. En mon centre.

Nous créons partout et nous détruisons partout. Comme si neutre de nous-mêmes, nous ne connaissions qu’une seule et unique chose : vivre jusqu’à là-bas.

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Commentaires
F
C'est un magnifique cadeau, merci.
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