→ 113 – Funambulisme.
Je marche sur ce fil qui traverse les jours et l’étendue à perte de dire et de faire. L’équilibre n’y est jamais acquis. Ce ne sont que des petits bouts d’aplomb précaire ajustés les uns aux autres que la chute suit comme une proie. Vagabond funambule, l’avancée du pas est une prouesse autant qu’une nécessité. Ne pas tomber est l’enjeu de cette acrobatie de balance qui suspend le possible au succès de l’escompte de l’accroissement. Une récompense à demeurer debout malgré nos échos restés à terre.
Je marche de visages en visages sur les masques d’emprunt et cherche ta figure. Je grignote à l’imparfait banal. La nostalgie n’est qu’un rêve sans issues. De la vérité vraie de mes mots, une étrange camisole, une feutrine qui recouvre. Tes yeux sont des trous qui accueillent mon désir. Tes lèvres des silences aux voix de sensuelles mélopées où s’incante le rythme qui nous invente.
Aveugle nos musiques sont comme des yeux d’albâtre, elles guident nos chemins qui rejoignent l’effusion des langues qui portent les corps et les peaux jusqu’à l’étreinte muette de la rencontre.
Ta voix est un couteau, une fine lame qui tranche le territoire du temps que nous habitons. Tes mains sont les caresses du sable qui remplit ma bouche. Je t’embrasse et chaque fois c’est la mer que j’embrasse, ma gorge s’inonde de tes vagues et ton sel en séchant pique mes narines. Je t’éternue jusqu’à ce que ma respiration se confonde à la tienne.
Equilibriste et matassin, je danse et je valse à la proue de tes précipices, à la lisière des abandons, au bord de tes failles. Clandestin à l’ostracisme de tes peurs, je vide mes écoutilles et mes cendres vont à ton feu abreuver leur soif d’absolu.
Notre ode est une vague qui ourle et nous sommes dessous sur le lit des algues de nos hoquets.