→ 81 – L’enjeu.

Voyage au bout de la nuit, claire, limpide, sans risque… Je t’entends. Dissonance des rythmes, tu vas parler si loin au péril de la solitude, tu es si proche à l’éclat du mot qui s’offre sans qu’on puisse le toucher, le pétrir, le malaxer de la convenance qui conjure le sort. Trop toi, sans doute, pour être quelqu’un d’autre, mais tellement toi pour être et devenir la multitude de visages qui ne cachent qu’une seule et même étoile.

Ce que l’on nomme nous sauve et nous ensevelis de la traduction des énigmes… Ce que l’on écrit comme une guirlande qui tombe, nous tait du silence complice où se terre le désir incomprimable d’outre-soi.

Il faut tant de vanité pour ne pas se livrer à n’importe qui, tant d’orgueil pour surseoir à l’immensité qui nous comprime, valeur du mot, valeur de sa puissance ; un incantatoire qui dépasse, surpasse, outrepasse.

On voit, on vit, on transforme.

L’ordre a quelque chose de surnaturel : penser, c’est sortir de sa propre nature. La volonté, le choix, la détermination ne sont que les pitreries d’une raison.

Illusion ! L’amour nous offre la fascination, on charme sa vie, son être. L’illusion ouvre à la déchéance. Le leurre qui persiste nous confond de ce qu’on n’est pas. Le mot dépasse l’être, victime de sa pusillanimité. Le mot est la menace constante et sans cesse renouvelée, il tue ce qu’il fait naître autant que l’on meurt à se dire.

La proximité d’émotions suit le péril de l’illusion. Le senti est notre débauche et son égarement l’ironie de nos miracles. T’apprécier m’écartèle comme une mer amputée d’horizon. J’ai tant besoin de tes vagues.

Déperdition à être trop prés, trop proche, asservis d’amour je ne suis plus moi, tu n’es plus toi, nous sommes le simulacre de notre addiction. Nous aimons autant que notre besoin, autant que notre peur nous le commande. Et j’ai soudain très peur de t’aimer par d’autres lèvres, d’autres baisers.