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LA COLLINE AUX CIGALES
17 juillet 2009

→ 80 – A l’exil de l’autre moi. (suite4)

balthus_037

Il faudra que la vie s’arme de patiente avant que ne vienne la mort de l’oubli. L’heure est encore vive de ce qu’elle ne sait pas. Les aiguilles chipotent l’horloge de ses minutes à se défaire et le jour pose ses jalons de nuit dans la perspective d’un sommeil qui n’en finirait pas de s’épuiser. L’humidité est due au climat et ne peut sécher. L’âme embuée égoutte sa moiteur à l’ombre du temps humain. L’endurance se frottille à l’exaspération dans un cliquetis qui transpire et c’est le regard perlé d’émotions que j’interpelle le souffle des contritions devenues singulières. Les attritions jubilent de leurs fentes qui laissent s’écouler les sèves gorgées des adductions fières et prétentieuses.

Il faudra que la joie vienne comme les coquelicots colorent le vert des champs du printemps. Sans odeur et aussi éphémère qu’une étoile filante, le beau laisse sa trace dans les mémoires ouvertes. Et si nous allions roussir au soleil tranquille de nos vies au repos… ? Les sillons marquent le dérisoire des superflus qui se superposent aux lignes déjà tracées. L’amas protège de son couvercle l’intense qui voudrait sortir. Dessous, c’est dedans. Et penser à toi ne rempli pas mes grimaces. Le virtuel ride ma peau concrètement, je plisse de l’envie de sentir ta présence toute proche, à l’encornure de mes hésitations. Cet appel, je le sais, troue l’itinéraire qui aurait pu me conduire jusqu’à toi. Comme si cette invitation parjurait l’attrait et lynchait l’apostrophe de notre praticable. A une virgule prés, nous aurions pu, je le sais.

Pique ta tête dans mon cœur, le plausible pique un roupillon.

Entre nous et l’autre, entre le réel et le rêvé, entre l’inconscient de soi et la conscience du monde, un grand écart, un compas à fabriquer des cercles dont s’entoure et se love l’effluve des sens, toujours là pour picorer quelques fruits laissés au hasard.

Que de temps, nous faut-il accorder à l'oubli... Comme si ce dernier suffisait à effacer et à éponger.

Et nous sommes encore là pérennes de nos insuffisances à résister. Nous ne faisons qu'attendre la prochaine marée, la prochaine envolée mélodieuse supposant qu'elle nous désarrimera des anciennes qui nous ont laissées choir. Sûr d’être neuf, nouveau et aguerri, mais ne sachant être ces trois à la fois.

Pour accueillir la tempête, j’irais au-delà des digues de mes peaux plissées de circonstances. J’irais droit, feignant les courbes, le regard fixe sur l’horizon en mouvement, le buste remonté par la fierté débonnaire de l’aventurier courageux, j’arborerais la grimace de la conquête, malgré que je la croie vaine. Je ne saurais partir à l’escalade d’une falaise imaginaire et pourtant, je grimpe mes volutes, chevauche mes tourbillons comme un preux chevalier.

Je suis comédien partout où s’installe la comédie, caméléon en double nature, j’arpente l’adversité sans armure et sans bouclier. Elle est là, j’y suis. Un face-à-face burlesque où personne ne sait qui se rit de l’autre. Je trébuche sur moi, me relève et trébuche encore, dans un scénario répétitif. L’esprit peuplé de repères sans autres traces que l’humus des jours insipides qui se succèdent sans s’adjoindre, j’irais trouver dans les lymphes dubitatives, la raison d’un tel remue-ménage en me déguisant en bazar flottant.

On n’est jamais repu de soi lorsqu’on longe ses endroits les plus fins, les plus extasiés, les plus fragiles. Je suis mon dissident, je me retire et m’exhorte du sens issu que la chair encercle. Je me loge dans il, et m’exécute de on. Je me prononce de cet impersonnel pour me fondre à la nuée de banalités résurgentes. Me fondre pour me perdre, ne plus savoir ce que je suis, me répudier à des fins salvatrices. Je me congédie. J’en ai assez de ce moi incoercible qui me suis comme une ombre et me colle à la peau. Je ne veux plus de moi, c’est trop encombrant, cela prend trop de place.   

Le non-dit de l’intime perce toutes mes idées. Dépourvu de la part de conscience qui ne sait voir le jour, je me heurte à mes limites. C’est une sacrée frontière, les limites !

Une ligne de démarcation prompte à stopper toute envolée. Un lieu gendarmé où l’assaisonnement ne rend pas plus salé, plus épicé. Seule la barrière douanière qui détermine la ligne infranchissable.

Mon désarroi a l’envie de me mener toujours plus loin, de finir de m’isoler tout entier. La plainte gesticule dans tout mon corps, mon ventre grogne et mon cœur hurle silencieusement. Je m’implore de ce que je suis pour trouver le refuge du silence. Les rares fois où j’arrive à m’intégrer où à me laisser envahir par le sans bruit total de ma solitude forcenée, j’en oublie jusqu’à être ce que je suis, sans être ou devenir quelqu’un d’autre, juste clos de toutes fêlures, dans un espace limpide où le rien n’a pas sa place mais où aucun mystère, aucune dénivellation n’existe, aucun esprit obscurci n’a de place.

Je côtoie avec connivence les ondes qui font concurrence à la musique. Vibrations de vérités évidentes, elles parcheminent mon dedans d’un tourbillon d’échos que tout mon être raisonne. Elles semblent être cette petite musicalité osmotique apaisante à l’âme brisée. La pression devient alors un rythme. La tension s’inocule à la mélodie des souffles du cœur. Et je m’évade en douceur des pièges de la compréhension. Dans la distorsion de l’air mes fragments s’alignent comme des girouettes suivant le vent. Je me propulse sur le fond, car ce n’est qu’à cet endroit que le firmament m’est visible. Le vide comble ma mémoire pour s’emparer du réel. L’oubli paye sa dette.

Le vivant s’augmente naturellement par la beauté du sentiment qui le pénètre et rempli son cœur. Quelque chose de plus grand que nous sommes, nous amplifie et nous offre de nous accomplir d’une part de juste qui nous subjugue.

Cette faculté qu’ont les bandes d’oiseaux à s’envoler à l’unisson dans une même direction, me plait. J’y ressens une union viscérale avec ce monde que je découvre chaque jour davantage. La nuit recouvre la nuit et le jour picore des grains de lumière au hasard de sa course. Me voilà bien épris tout à coup des ferveurs singulières que mon quotidien effleure dans une discontinuité régulière.

La vie se borne si souvent à ce que j’en vois. L’idée d’une peau qui se noie dans une peau pour s’étendre d’une seule toile m’émeut. Une coordination panréaliste de l’univers où chaque chose à sa place supposant qu’il existe une place pour chacun d’entre-nous, me laisse pantois et admiratif.

Je voudrais ouvrir mes oreilles et fermer les yeux pour entrevoir la délectation de cette unique saveur. Mon esprit chaotique bourlingue d’un réel émacié à un rêve aérien et magique sans en avoir vraiment conscience. Mal huilée, ma porte grince. Le vrai se soucie de ce qui est, et me voilà décalé par l’idée que je m’en fais. Il ne se peut en ce monde jamais y avoir une perception plus décousue d’avec le monde lui-même.

J’œuvre de ce que je suis, nul doute. Je ne m’accoste jamais aussi bien que lorsque je m’époumone à me deviner de ce qui se tait en moi, de ce qui se cache aux interstices de mes tribulations. La détresse logée dans l’obstacle à m’émanciper, je maraude de mes inconvénients à me traverser, me parcourir, à me chaparder de l’irrationnel de mes certitudes acculées à leurs désarrois.

Je ne connais rien de l’illusion dont je suis fait et j’ignore totalement ce vers quoi me pousse la négation de mes élans à être.

On se sacrifie volontiers au plaisir, mais quel plaisir peut-on éprouver à se torde et à s’essorer de la multitude de consentis que l’on s’accorde ? Ce que je vois n’est-ce dont point ce dont ma tête est pleine ? Je suis plein de moi.

Il arrive que mes larmes soient cet acide qui troue et déprave la chose entendue. L’éclaboussure des larmes perlent l’environnement de toute part. Des images trouées tapissent l’alentour et partout suinte de l’incommensurable liqueur du temps.

Dehors la lune connaît la misère des nuits sans opales. Et je l’entends d’ici cloaquer de ses crevasses à mordre l’échine des vides.

Mes yeux aux paupières durcies et mon cœur délavé savent trouver communément le sommeil des pierres. Un roc s’endort d’un bloc et je suis dans la seule expansion où je converse avec moi-même. Dans ce gouffre où tous les murs sont du soufre prêt à s’enflammer. Dans ce trou où la mer dans son ressac emporte de ses vagues plus qu’elle n’apporte, je me liquéfie et mes gouttes se mélangent aux brassées qui s’évadent vers un lointain ignoré. Je voudrais m’unir aux bruits du vent et colporter avec lui toute la dérision qu’il y a à se refouler de ce que l’on est. Et dans la brassée de feuilles endormies sur le sol, je voudrais m’évanouir d’un soulèvement comme de la délivrance des larmes que l’on laisse derrière soi.

Il n’a pas de parole pour décrire, il y a juste des mots pour peindre un état. Et de mon pinceau je dessine les couleurs et peins la frustre étincelle de mes désespérances.

Ce que je déserte me rempli. La dissidence m’extasie. Etre là où je ne devrais être me rassure. Je me souviens bien mieux de ce que je m’oublie. Le nul part est une terre d’abondance. La frivolité un éther des plus suave. Se perdre de sa raison m’enchante tant je peux me faufiler immatériellement dans une jactance boudinée d’incroyables.

Le silence est une lumière qui couvre de sa clarté l’immobile qui serpente en moi avec la dextérité des eaux vivantes qui trouvent toujours un chemin pour s’écouler. Le songe de ma chair tague mes paradoxes et explore mes turpitudes comme le ferait un cerf-volant mue par le souffle d’une existence transite par l’effroi de ses circonvolutions à grimer le ciel de mots imprononçables.

Dans l’étuve de tes yeux, je vois l’enfermement de mes syllabes et mon cœur me semble un télescope palpeur d’extérieurs. Je m’imbibe comme une éponge du démembrement de cette obstination à concevoir une parole désarmée équivalente à une brume blanchie où l’exil parait une inadvertance.

Rien n’est plus stupide que se pencher sur le vide sans tomber. Si tu as connu le délice de la rumeur du cœur qui s’inscrit sur tes yeux, tu devrais te laisser choir. Tomber n’est pas mourir. Ta peur nourrit tes colères à te tromper. N’estime pas la chute avant de l’avoir consumer. Regarde l’abîme, elle te sourit.

La satisfaction n’est pas dans le miroir. L’image de soi est dans l’escarcelle de l’autre et chacun d’y chercher le reflet de soi. La transposition d’un éphémère engourdie l’image transmise et reçue par l’œil de l’appétit à se reconnaître. Le récepteur est l’auteur de sa réception. La subjectivité restreint l’intime jusqu’à le laisser dans l’onanisme, dans l’introversion qui ne sait se partager.

Le mot ne se résume pas à la résistance qu’il commet. Il est aussi, une prière ouverte souhaitant inhiber la haine. La sienne propre d’abord et puis celles de tous les autres, ensuite. Résister à l’enfermement, résister à la culture du connu, pour s’offrir la possible construction de la créativité elle-même, insuffle à se prodiguer sans cesse une part de renouvellement. Ne pas s’entériner ni s’enterrer de ce que l’on est, fuir toute sclérose, résume assez bien un parcours vivant et sorti de toute assistance.

L’épuisement guète le ressassement de la langue qui se répète indéfiniment.

Le fantasme n’est rien d’autre qu’une compensation métaphorique à notre impuissance à changer la réalité. Le rêve nous relie à une langue se situant au-dessus des conditions qui nous enchaînent et nous empêchent d’être en symbiose avec notre vécu humain. Il nous aide à nous comprendre en activant et libérant ce qui nuit à notre envol libre dans un espace sans limites.

Aucune préoccupation qui m’est propre et personnelle, n’est jamais vraiment qu’individuelle. Elle ne se réclame de rien d’autre que de soi et cependant de nombreux autres peuvent s’y reconnaître ou s’y vivre comme si c’était la sienne en particulier.

Rien en dehors de la mort ne sait effacer notre nature, ni assécher définitivement notre puits où coule nos sentiments, nos émotions, nos vies.

Ecrire peut être acte de résistance lorsque le mot est assimilé à la force de la pensée. L’écriture est le lien du sensible à la déchéance de l’existence. Le mot est une brique restante de nos ruines accumulées. La beauté résiste toujours à la laideur. La vie résiste au déluge, quel qu’il soit. Le mot de l’écriture défend la vie.

Le langage écrit reste une identité de soi et l’ensemble des autres qui s’y retrouvent. Parole ou discours, la communicabilité est la dimension la plus métaphysique et la plus significative de ce que la vie génère au travers de ce que nous sommes. Le dialogue du dedans est la source qui nous conduit à partager. La communication est bien ce qui efface les frontières, ouvre les portes et permet une acceptation providentielle. L’effondrement des barrières est une ardente possibilité à nous vivre ensemble dans la reconnaissance de nos différences. Le mot, le langage, l’expression, sont le premier combat de nos identités. Ce n’est pas le dit qui importe, mais la nature du dit. A l’évidence l’expression humaine est un voyage sans fin vers la recherche de soi dans l’inconnu. Quant’ à moi, je ne défends point mes quelques mots écrits ici ou ailleurs, je ne m’en rappelle rien depuis qu’ils sont sortis de moi. Je suis mon propre témoignage, chaque fois que j’écoute les prismes de mes fondements, j’entends mon héritage m’avouer ses fuites.

Il pleut sur l’auge de la sécheresse, les gouttes de tes sourires suintent encore au creux debalthus_derniere_oeuvre_1200423649 ma forêt. Seul comme la lune je m’agrippe à l’ombrelle de tes paupières et je rêve à l’eau de ton dedans, où je me baigne comme un enfant. Tes bruits m’effleurent de la caresse qui retourne les peaux. A vif de toi, je crie de mes baisers imaginaires l’absence de tes chuchotements à me faire rester debout. Je m’éclabousse d’une mémoire dont le fruit mûri crache sur mon visage la pulpe rouge de la mélancolie. Tu fais de moi le croissement des ombres qui se froissent de leurs odeurs d’écume. Et je feins l’ombre, et je feins l’étreinte pour contenir l’empreinte de la joie que tu m’as offerte.

Il pleut de la farine desséchée et le ciel glacé fissure mon cœur d’orange décortiquée.

Je suis seul dans cette nuit de mirages tendus, les paupières lourdes, plus lourdes que le noir charbon de mon cœur. Mes cils sont des stalactites qui plongent mon regard dans les méandres de l’infini. La grotte de par son immensité est un refuge bien incertain. La sphère se soumet à la spirale et la glissade est aisée. C’est bien aux frontières de ses impossibles que l’on s’apprend de ses incompétences.

La lumière du jour pénètre contractée dans ses faisceaux de lumières comme pour rappeler que le jour est là, qu’il existe et qu’il faudra l’affronter de ses misères à un moment ou à un autre. L’éclaircissement est aussi une ombre blafarde qui cache la pleine mesure des faiblesses dans une luminosité sans air. Il faut se méfier de la nuit carnassière invertébrée, elle sait découper de ses dents aiguisées les chairs gorgées d’abondance, celles-là même qu’on a eues tant de mal durant le jour à faire mordre le réel. L’irrésolu balance au bout d’une corde comme un jambon qui n’arrive pas à sécher. La charpente grince, les fermettes vermoulues soutiennent encore le poids du vide, mais pour combien de temps ? Le chambranlement des résonances inaccomplies amplifie les frissons de l’existence.

L’être naturel confronté à l’être sacerdotal se pique comme des saucisses que l’on ne souhaite pas voir éclater sous le feu des afflictions rompues au crépitement des étincelles. Est-ce à prétendre vouloir me réapproprier la part naturelle qui est en moi qu’il me sera possible de me désenclaver de tous les acquis insupportables ? Limoger la crasse des servitudes acquises appelle le savon et je ne sais qui des deux ; savon où crasse, glisse le plus. Gardien immuable de mes solitudes les plus farouches, l’ôtre-je ne serait-il pas l’imposant manque inavoué de moi-même avec lequel j’entretiens une relation intime ?

Heureusement la joie de la solitude est souveraine dés lors qu’elle occupe sans activités introspectives le plein de soi. Seul c’est quelquefois être aussi étroit que des chaussettes. Les paradoxes sont si communs dans ce dédale affligeant qu’il ne me vient pas à l’idée de le noter et je passe mon songe pour aller plus de l’avant.

Il faut aller chercher dans la coruscation la brillance de son semblable et achopper les similitudes au registre de soi pour s’entériner de la fulgurance.

C’est la vie qui dresse contre le réel le témoignage du bonheur. Et je la passe à traduire. Traduire l’intraduisible, l’insaturé, l’abjection de toute vérité. La pire celle qui copule avec la charité de soi. S’inventer un monde est alors sans aucune mesure avec celle de le magnifier. Partager cet incommensurable nécessiterait l’explosion du rêve et je ne sais pas rêver dans le rêve. Trop inculte de l’imaginaire compulsif, je m’attarde juste à l’orée des crépuscules créatifs, ceux qui pourvoient sagement à briser la torpeur des mes allitérations transites, stoppées nettes, accréditées de la lave en fusion de mes éternelles railleries à me convaincre de ce que je suis.

C’est à la vie que j’en veux le plus, nul doute. Et pourtant c’est à elle que je me suspends comme un mauvais élève. C’est à elle que j’accorde le plus clair de mon temps. C’est à elle, enfin, que je refuse de vivre de ses malheurs comme si je pouvais les guérir, moi qui suis le virus, l’intrus, l’étranger à l’intégration partielle et douteuse.

Stupiderie grossière, idiot de mon village, il me faut donc me saouler de mon discrédit pour mieux estimer le vintage de ma déraison.

Il pleut des sécheresses sur mes tuiles parapluie et l’eau du vent est seule à conspirer le sens de mes girouettes.

Je vide peu à peu le sac des mémoires pour n’y garder que les lumières cinglantes que le cru propose à la pensée. A vivre ou à mourir, il ne me reste pas de choix, il me faut vider le souvenir ou me vider de mon sang. Car je le vois bien, la mémoire est ce sabot de plomb qui empêche d’avancer, qui contrarie toute progression. Trop de trop à supputer dans cette enclave à meurtrir l’idée d’aller léger et le poids est une chaîne où s’attache ma liberté d’agir et d’entreprendre.

Toute cellule est un espace clos où s’étouffe le désir. Oublier c’est faire de la place. Faire de la place comme l’on se rend disponible à nouveau, disponible au nouveau. Le débordement intarissable évacue et je m’acclame à brûler mes buvards, à jeter l’éponge, à virer hier, à abandonner les heures cousues de leurs propres limites, à extraire les dissonances rédhibitoires.

Le débordement intime est cette innovation tâtonnante préférable à la redondance de l’imitation des jours de soi à n’en plus finir. Déborder, dépasser, sortir des repères, des lignes démarquées pour enfin entamer l’horizon d’alternatives et d’hypothèses sapientielles, offre au hasard du devenir un allié autant que choisir est une fatalité.

La survivance s’engloutie de ses tempêtes, seule la dissidence et l’exil conjuguent l’épaisseur des vagues qui ramènent aux rives peuplées de l’assonance révélatrice.

Soi contre soi s’épouse des lames des approximations encastrées aux chairs avides d’unités réjouissantes. Et mon premier acte de résistance est de prendre le temps de faire l’amour. Prendre le temps comme on se calque sur son rythme propre du dedans. Prendre le temps de son temps à se vivre et à s’aimer. Aimer la vie toute entière, de son étrangeté, de ses mystères, de ses dépossessions et de ses grandeurs, de ses désirs et de ses exponentiels à bâtir le rire aux dessus de toutes joies.

O combien, il est heureux de saisir les entrelacements qui nouent le JE à l’ôtre-je, et d'examiner l'espace intersubjectif au fondement de la construction du soi. Se savoir n’est en rien la suffisance, il faut aussi pouvoir se toucher de ce qu’on est. On ne s’échappe pas dans le ressassement, ni par le rêve. On ne sourit pas face à un verre d’eau, mais face à la mer. L’oubli qui a une histoire n’est plus l’oubli mais une simple fuite. La lumière d’un regard suffit parfois à éblouir ce qu’on tait.

Le ciel fait des crêpes et les étoiles tapinent les rêves câlins des nuits sans autre prolongement que l’humeur souple des heures où le sommeil n’est pas encore servile à la compensation. Au berceau d’Ariane j’imagine le fil d’une araignée tisseuse de caresse et l’air a une bonne odeur. Le monde par ailleurs déroule ses absurdités habituelles et je suis dans la surabondance d’un conte que j’invente.

Les lèvres sont des fleurs aux pistils doux et sucré, la parole des pétales de velours qui recouvrent les mots les plus frileux. La fibre des voix n’existe plus, pas plus que les bonheurs que l’homme érige comme un but ultime de l’accomplissement d’une vie. Les bateaux volent d’étoile en étoile hissant de larges voiles blanches et la signifiance est défaite des armatures du réel. Les lumières se côtoient et se mélangent comme des éclairs sans bruit et l’océan céleste parait une foire joyeuse où chaque matelot danse une java tourbillonnante et rieuse.

J’invente les yeux ouverts et je pénètre à l’intérieur de moi comme dans une échoppe de graines. Des monticules de pépites colorées occupent l’étal et je rampe sous les tas pour m’assurer un passage.

Je séjourne dans une île perdue aux limites des marées suceuses habiles des trop pleins. J’habite le rêve autant qu’il se loge dans le silence. Autour, le chaos dérive comme un orage sans pluie. Les nuages sont des pauses que le ciel offre aux têtes semeuses de rêves. Tout s’ajourne de l’orgueil comme si pour prétendre au répit, il me suffisait de m’ignorer de ce que je sais.

Se perdre dans les bras de la vie c’est ne pas s’être perdu bien loin. Et je m’attendrais calme détendu les bras ouverts aux orifices des plaisirs de vivre. La transmutation est une chorégraphie dont je pressens les gestes. L’ondulation douce du mouvement porte la raison sur le lit de la conscience attendrie. L’instant se savoure doucettement de ses prismes illuminant mes cavités sombres et lèche furtivement mes fantômes pour ne pas les réveiller.

Il n’est pas de plus grande conversation que celle qui s’accomplit dans le silence. Moi et moi, nous sommes dans un bavardage silencieux incessant parce que nous avons tant à nous dire de nos éclats qu’il ne nous est pas concevable de prendre congés l’un de l’autre. Nos rendez-vous sont permanents et nous nous confrontons irrémédiablement à notre terreau afin de nous parfaire. Nous parfaire d’on ne sait quoi si ce n’est de l’atténuation d’une insatisfaction rituelle et quasi incoercible, mais nous nous accomplissons avec cette hargne frénétique et constante et sans cesse renouvelée à acquérir un mieux, un plus, un exponentiel, une ouverture, une amplitude.

Certains sont assommés par une vie qu’ils trouvent plate et sans odeur, la mienne est vaste à l’infini et élastique comme une bretelle. Expérience vivante, je déambule partout où la vie de moi peut s’immiscer et je m’apprends, et je me construis à l’aide d’atomes d’étonnement et de surprise.

Cependant.

Mon ôtre-je se pare de toutes les contradictions, de tous les oxymores et m’éprouve de ses réflexions morales dont ma nature profonde se fou et se contre fou.

Embourbé dans une fange grumeautée de moi-même, des bottes de géant n’y suffisent et l’immersion se prononce de mes terres mouvantes comme celles qui bordent dangereusement les marais.

Faire en sorte que la vie m’aime est une idée saugrenue. Pourtant ne dit-on pas qu’il faut être deux pour que l’amour s’attise et s’enflamme ?

J’ai dans l’idée du moment que j’aime la vie par nécessité et que cette dernière n’accepte pas de me contenir de mes vides intarissables. Bêcheuse, elle me dédaigne, me regarde de haut avec distance, et moi je la méprise de ses attitudes à vouloir donner des leçons. Petite prétentieuse qui sait tout, qui connaît tout, elle m’agace prodigieusement de ses comportements à prétendre enseigner, instruire de ses capacités à composer puis conjuguer l’existence.

Vivants, elle et moi, nous sommes fâchés et nous nous boudons régulièrement. Et si elle a le dernier mot dans le réel, mes rêves la dépassent, la contournent, la détournent de telle manière que nous nous jointons quelquefois, seulement de nos consentis à nous supporter mutuellement.

Sans doute ne suis-je pour elle, qu’une molécule insaturée et incontrôlable de mes excès et de mes tentatives à lui échapper d’une certaine façon.

Elle et moi, nous ne parlons pas toujours la même langue. Particulièrement lorsque la carence est devenue palpable et que mon audace me fait faux bonds à articuler le ressenti qui embrase mon intérieur et que la concrétisation de l’acte libérateur que cela pourrait faire naître à l’extérieur se voit contrariée. Moment d’écartèlement s’il en est, le choix dans l’attente, dans l’expectative non résolue me désarticule et la douleur me fait me replier comme se rétracte une étoile de mer qu’une main aurait touchée par mégarde. Retenu de moi-même, la libération semble inaccessible jusqu’à l’orée de mon fondement. Seul le débordement de la houle du profond pourrait encore par son tremblement m’injecter hors de moi, hors de mes barrières. Un peu comme une lave grouillante que le volcan aurait retenue trop longuement prisonnière. Et les bouffées sulfurent, et les soupirs accréditent l’exaspération de ne pas progresser, de faire du sur-place. Statique, il me faut alors redevenir bohémien, nomade parmi les nomades pour parcourir mon monde du dedans. C’est au gré des chemins d’aventures et de hasard butinant chaque flaque que mes pluies torrentielles et existentielles ont laissé là après l’orage miraculeux que le tourment a fomenté par mansuétude à ma nature d’être humain, qu’il m’est offert de me réapproprier ma nudité, celle qu’enfant je savais être mienne et qui me donnait le sentiment d’être à ma place.

« Je ne ressens pas la peur sauf celle de cette stabilité qui n’est qu’encroûtement, surfaçage d’un intérieur vertigineux et grouillant de demandes. », m’as-tu dit. Alors, peut-être, est-il tant d’assermenter le désarroi des âmes pour en propulser une complaisance rieuse, pour en cueillir les rameaux rabougris après de longues conversations ostentatoires sur l’existence même. Etre nu de soi, pauvre de sa seule peau, n’est-ce point refuser de se falsifier pour s’agrandir de l’autre qui nous rempli ?

La nuit est interminable et le noir a un goût d’infini. Le coq est mort, hier au soir avant que le soleil s’en aille et désormais plus rien n’annonce sa venue. Les rayons de lumière rejoignent la terre dans un halo de silence. Et le merle chante sa joie parce qu’il sait que malgré tout, tout recommence.

Je pense à cet enfant solitaire dans le désert. Si seul qu’il parle aux dunes et aux étoiles. Je pense à ces journées vides des autres mais pas vide de sens ni d’émotions. Je l’aperçois, Il occupe ses yeux aux falaises de sable pour chercher dans l’horizon la trace vivante d’une silhouette perdue dans le temps. Le soleil sourit très fort sur cette plage ancienne qui ne propose nulle ombre. La lumière est si vaste et si éblouissante qu’elle occupe tout l’espace. Ses paupières sont l’unique refuge de ses ombres. Et il rit aux éclats lorsqu’il cligne des yeux.

Il m’aurait plu d’être le buvard de tes débordements les plus récurrents. J’aurais ouvert tes mains comme on ouvre un sac d’osier resté ficelé à l’oubli des jours sans résonances et aux mémoires pétries d’abstinence. J’aurais crissé la toile de tes platitudes asséchées aux rectitudes du blafard que l’usuel t’énonce. Mais ton bateau a mis les voiles des démesures qui se confrontent aux tristesses essoufflées de ton usuel répétitif. Et mon navire est par le fond, je ne vois que ta quille que les algues ont embourbée. En bas, tu sais, les coquillages dansent avec le sel des reflets et ne se nourrissent que du baiser des courants qui charrient la douceur des ondes de clarté.

Comment ai-je pu survivre à ma mémoire, cette malle volumineuse qui retient tout ce que j’ai cultivé dans l’espoir de m’appartenir ?

J’ai pourtant œuvré avec pugnacité à faire mourir le souvenir. L’incurie m’aurait-elle subrogée de mes délestages ; la survivance du souvenir aurait-elle inhibée mes outils à sarcler là où l’héritage m’alourdi d’un poids qui n’est plus mien ?

Le besoin d’aimer m’extirpe du foin entassé et laissé au repos dans la toiture de ma bergerie. Inutile de chercher mon étoile dans ce ciel caverneux, j’ai la sensation de m’être spolié, et en moi s’insurge l’enfant victime d’une injustice.

Il faut sortir de mon âme l’idée même de l’âme. Il faut sortir de ce crâne indocile à la rêverie poétique la strophe pétrifiante de ses sucres pégueux. Il faut mettre au rebus les exutoires nonchalants de l’esprit contusionné par le savoir de l’adulte. Bambin l’on croit à la surprise, on croit à l’imaginaire, on croit que toujours signifie toujours.

Il me plait d’imaginer que la mémoire est l’amante de l’oubli, tant je vois dans le nécessaire combien le hasard se meurt. Je la préfère silencieuse et endolorie par le temps comme un mouvement qui ronfle au fond de moi dont seul l’âge tendre paré d’insouciance refuserait de se soumettre.

Je voudrais seulement me rappeler que c’est dans les yeux de la mort que l’enfant que j’étais fermera mes paupières.

Amnésique, je voudrais que cesse cette restitution de l’initiation accomplie et inachevée tout à la fois qui vient encombrer tous mes nouveaux préludes. J’ai plus de goût à fabriquer le souvenir qu’à le relire. Je n’habite pas ce qui en moi occupe mes espaces d’hier pas plus que mes lieux de demain, juste se remémore l’émotion que le senti procure,

Chut !!! Les murs de ma grange chuchotent encore les chagrins dont ils ont été témoins. Et mes ressources sont mes refuges.

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B
Merci if6, oui, le jour vient comme une fleur qui s’ouvre… <br /> « Les fleurs que je viens d’acheter ressemblent à des liserons. Le fleuriste m’a dit leur nom. Quelque chose en latin. J’ai préféré les baptiser, leur donner un nom rien qu’à elles, pour leur vie dans l’appartement. Je les appelle des pièges-pour-les-fées. »
I
La joie viendra comme les coquelicots, elle ne revendique pas la légitimité de son éclat, il n'y a pas de fausse note dans cette joie-là, c'est une audace et l'autre moi s'invente passionné, d'une émotion à l'autre sur le chemin des coquelicots. <br /> Il y a tant de joies possibles qu'il est difficile de choisir entre celle des heures lentes et des longs chants d'oiseaux et celle du coquelicot, il y en a plein d'autres dans tes textes des mots qui disent la joie.<br /> merci pour ces mots que tu nous offres quotidiennement B. Ce n'est pas toujours facile d'écrire,mais c'est un grand plaisir de te lire, de lire ceux qui écrivent...<br /> :)
B
virtuelle : Que les voix s’entrechoquent aux voies et que le semblant d’unité rassasie l’émotion. Merci de vibrer, l’onde est souvent capricieuse…<br /> Aux camouflés s’insurge toujours l’évidence lorsque la conscience se répudie d’elle-même ; enfin, je crois.
V
Vos mots me laissent sans voix, sans voie aussi tant ils me collent à cette peau camouflée et délaissée,ultime abandon aux brûlures de mon corps confiant à mon âme masquée les clés de l'exil.
LA COLLINE AUX CIGALES
  • Dépotoir et déposoir de mots, de pensées... Ici repose mon inspiration et mon imaginaire ; une sorte de maïeutique effrénée et dubitative et il me plait de pouvoir partager à qui veut bien.
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