C046 - Mnémoniser.

Défaillir est sans doute un éblouissement. Cette lumière qui accentue mes ombres laisse à l’obscurité toute la place du silence. Je t’écris pour t’accoucher de la clarté. De l’horizon l’expression rejoint la permanence à lutter contre la défaillance du mot qui s’égratigne à l’implacable friction du réel immédiat. Une vérité est toujours muette d’elle-même. Poser le mot, écrire la phrase revient à extirper une copie de soi, une imitation qui revient à dire une part condensée de nos énigmes. Ce projet que le silence a pour habitude de soustraire aux mystères où s’évanouissent nos entendements à être. Le mot est cette analogie de toi qui surgit de l’isolement pour te dévoiler la mer du frémissement intemporel qui rumine à l’intérieur de toi à l’insu de ta volonté. L’infini nous bouscule lorsque matérialisé dans le hors de nous il est l’immensité. A l’immesurable je n’habite que l’imaginaire. J’habite le mouvement qui construit mon heure, je me déduis de ce que je mesure, prisonnier du temps que je fabrique. Le temps est une virgule de l’éternité. La parole rend libre là où l’immédiat nous assiège alors que l’écriture nous confesse de l’amer de nos sables.

L’accouchement du verbe est naissance d’existence et chaque début de phrase est un commencement perpétuel. Le point qui l’a clos est un point d’infini sur la circulaire de l’immortalité où deux points ne peuvent avoir le même parcours. Toujours identique et jamais le même.

Ecrire pour défendre le sens de nos sens à l’impuissance des gestes que le vocable transgresse pour nous découdre et tirer le fil de nos sources originelles vers une déroute imperturbable et sans cesse renouvelée. J’écris pour m’effacer, pour ne plus être assujetti à la durée invisible, aux fantômes bruyants qui hantent mes pensées comme des tombeaux vides où rien ne s’inscrit sans le souffle des contingences.

Le mouvement m’accomplit dans sa réversibilité où je le précède. L’acte lui-même devient le réconciliateur d’avec ma défaillance à ne savoir exprimer qu’une partielle hypothèse de ce que je suis en devenant un labyrinthe ordonné dans une norme langagière connue et reconnue d’un ensemble. Ecrire est un cri contrôlé.

Ecrire c’est sans cesse reconstruire la peau d’un désastre pour être encore prêt à de nouvelles batailles ; écrire est être malade des mots blessés et usés au péril de l’existence. Ecrire, c’est porter sa voix aux limites de l’impossible. L’écriture est sécante à la vacuité. Ecrire c’est libérer. Ecrire c’est sauver du désastre le mot perdu d’avance dans l’instantané de la parole. Ecrire c’est renoncer à l’éphémère pour enfanter une durée plus épaisse ; une essence, un hymen de son sang à son âme.

La parole est comme réponse à l’urgence de la nécessité, l’écriture est dans l’accomplissement de son souffle.

Et si la parole est victoire sur un immédiat qui nous conduit à la déroute de la réactivité, l’écriture est une exigence qui panse ce que la parole nous a traduit de nos ecchymoses profondément cachées.

Comments

[liloo]

Il y a des mots pour l'état de grâce, et des mots qui rendent beau..
Tu es un être qui sait écouter les soupirs du silence et me permettre de les entendre, merci.
Douce nuit..

[grosnuages]

« Ecrire, écrire le pourquoi on veut écrire, écrire son besoin d'écrire, c'est écrire sa tourmente, sa révélation, sa tension. C'est délier sa peur ! » [Louise Portal]

[valériane]

"Ecrire pour s'effacer
Ecrire c’est renoncer à l’éphémère pour enfanter une durée plus épaisse"
Je ne sais pas ce que sait écrire, certainement tout cela - Du bien que l'on étale et du mal que l'on remonte -
Tu la vis, tu l'éprouves, tu l'inventes au sens noble dans ce texte -
Bon week-end A+