Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LA COLLINE AUX CIGALES
15 février 2009

G. CANGUILHEM

« Un rationalisme raisonnable doit savoir reconnaître ses limites et intégrer ses conditions d’exercice. L’intelligence ne peut s’appliquer à la vie qu’en reconnaissant l’originalité de la vie. La pensée du vivant doit tenir du vivant l’idée du vivant. (…) Dans l’Electre, de Jean Giraudoux, le mendiant, l’homme du trimard qui heurte du pied sur la route les hérissons écrasés, médite sur cette faute originelle du hérisson qui le pousse à la traversée des routes. Si cette question a un sens philosophique, car elle pose le problème du destin et de la mort, elle a en revanche beaucoup moins de sens biologique.
Une route c’est un produit de la technique humaine, un des éléments du milieu humain, mais cela n’a aucune valeur biologique pour un hérisson. Les hérissons, en tant que tels, ne traversent pas les routes. Ils explorent à leur façon de hérisson leur milieu de hérisson, en fonction de leurs impulsions alimentaires et sexuelles. En revanche, ce sont les routes de l’homme qui traversent le milieu du hérisson, son terrain de chasse et le théâtre de ses amours, comme elles traversent le milieu du lapin, du lion ou de la libellule.
Or, la méthode expérimentale comme l’indique l’étymologie du mot méthode c’est aussi une sorte de route que l’homme biologiste trace dans le monde du hérisson, de la grenouille, de la drosophile, de la paramécie et du streptocoque. Il est donc à la fois inévitable et artificiel d’utiliser pour l’intelligence de l’expérience qu’est pour l’organisme sa vie propre des concepts, des outils intellectuels, forgés par ce vivant savant qu’est le biologiste. On n’en conclura pas que l’expérimentation en biologie est inutile ou impossible, mais, retenant la formule de Claude Bernard : la vie c’est la création, on dira que la connaissance de la vie doit s’accomplir par conversions imprévisibles, s’efforçant de saisir un devenir dont le sens ne se révèle jamais si nettement à notre entendement que lorsqu’il le déconcerte. »

                     - La Connaissance de la vie, pp 12-13, 39 -

Publicité
Commentaires
LA COLLINE AUX CIGALES
  • Dépotoir et déposoir de mots, de pensées... Ici repose mon inspiration et mon imaginaire ; une sorte de maïeutique effrénée et dubitative et il me plait de pouvoir partager à qui veut bien.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Derniers commentaires
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 207 339
LA COLLINE AUX CIGALES
Publicité