I203 - Au terminus des bancales.
Parce que tu n’es pas là, mon corps se délie de mon âme et chacun d’eux vagabondent dans une opposition sans fin. Mon être de chair s’appuie sur l’acte comme l’épi de blé se tient sur sa tige. La parole de mon monde lointain et enseveli m’arrive lourde et essoufflée et la vérité qu’elle contenait a perdu en chemin sa ferveur native. Elle n’est plus que lait caillé sous les moustaches de mes mots, une miette de dire retroussée comme une manche trop longue. Tout l’éphémère de l’acte oral à se témoigner s’efface du temps qui le moissonne. L’intermédiaire de l’écriture saisit la part restreinte qui reste au bout de la langue pour se suffire à graver le peu d’autorité qui ne s’est pas encore évaporé. Mon âme dans son mouvement imperceptible se défait de l’attente et vole comme un oiseau allant rejoindre une terre plus chaude propice à oublier les gelures et les froideurs qui occupaient le nid devenu la glacière du sans repos. Nous voilà jour à jour dans l’écaillement de nos ailes à parcourir les distances réduites à un dos à dos. Parce que tu m’adosses comme un drap d’espérances où voudrait se blottir l’exubérance de l’exil. Parce que je te fais dos, là où le face à face n’est pas envisageable. Néanmoins liés dans ce gouffre de nous-même nous sombrons ensemble dans l’inexactitude de nos cœurs qui réclament l’apaisement. Nos réalités sont des emprunts que nous avons faits aux dons de la vie sans chercher à savoir à qui elles appartiennent. De ta glaise à ma mélasse s’engendre une boue dans laquelle on se retranche. Je tente à plonger dans le verbe pour l’occuper de toi partout où une clarté semble apparaître, mais ce n’est que dans l’émergence du noir que gonfle la lueur. Et il me faut la bougie de tes yeux pour recréer la flamme bafouillante de ma conscience peuplée de tes horizons. On se déguise d’inconnues lumières pâles comme des lampions immobiles sur des stèles de granit alors que tout bouge en nous et autour nous. Sur le paillasson de nos audaces, nos cœurs se sont frottés jusqu’à l’extrémité de leurs souffrances restées suspendues sur l’ortie des préjugés comme deux feuilles mortes que le vent emportera de sa prochaine rafale. J’ai toutefois traversé nu ton soleil de fraîcheur de source et mon sourire naît sur tes lèvres lorsque j’imagine ta bouche embrasser le miroir de mon rêve.