Complices inlassables.
Tu es le coquelicot que j’ai ramassé sur les bords de la roubine où nous allions marcher pour nous détendre. Tu n’as pas flétri. Ton rouge a conservé toute sa puissance. Tu es la fleur unique et éternelle qui repose dans le vase de mon émotion intacte. Tu n’as pas d’odeur, mais tu embaumes encore mes moments de cafard et les heures lourdes s’effacent comme buée au soleil.
Comme des ronces gisantes, les sauterelles dorment sous la paille bleue du ciel. La parole émue a des accents déchirés comme des voiles d’amour percés d’angoisses. Un coq de fer scellé sur le toit se penche sous le poids du soleil et surveille l’horizon.
Le langage hara-kiri fend les ombres déferlantes. Un secret jalousement gardé dans l’air voyage d’un bout à l’autre de quelques puissances ingouvernables où la pensée échoue sa prose morose.
Des fragments de lumière dessoudés du jour glissent spontanément dans le crâne lisse et déstructuré. Un travail de mémoire se fait sans moi dans la présence dépendante de l’adieu.
Complices inlassables, nous ne pouvons plus répondre à l’insurrection du vertige. Nos langues sont collées à l’ignorance indomptable.
La volonté a brûlé comme un ciment trop vieux. Il faut oublier le bonheur de l’aigle sur les cimes. Tout débouche sur la mer où s’épuise le désarroi des eaux mortes.
Je mords à l’espoir du roseau qui voudrait grimper plus haut que les étoiles. Nous sommes rétrécis dans l’œil qui respire et dans le bâton qui perce les sources jumelées.
- Bruno Odile - Tous droits réservés ©