De relent en relent.
Mes sens reçoivent des messages que la pensée a bien du mal à traduire. Ma réflexion collabore à la restriction de l’idée que je me fais des choses et des objets. Toi, devenue hologramme parmi les hologrammes, tu respires directement dans mon sang. Tu es l’irréfléchi qui cogne contre la paroi écervelée de mon être. Je suis réduis à aimer ce qui me procure du bien alors que j’éprouve des sentiments antipathiques vis-à-vis de moi-même. De multiples dualités me confrontent à l’expérience de vivre et je veux cependant accorder davantage de vitalité à mes perceptions, faisant ainsi abstraction d’une quantité d’informations ruminées par mon cerveau. L’amour m’est utile pour appréhender la vie autrement que dans son aspect rationnel. Le rêve est devenu un outil indispensable à l’allégation de mon quotidien. Je vis dans cette marge sans frontière apparente.
Au bout de l’heure frémissante, mon corps s’efface pour rebondir dans le vide. Mon cœur possède entre ses mains des lignes évasives et mourantes. Le fantôme de l’air s’approprie les plumes de l’oiseau qui débroussaille le ciel. En route vers l’invisible, je ne ressens qu’une légèreté où se charpente mes souhaits. L’attente est faite de désirs et d’insensés. Je ne maîtrise pas les larmes qui coulent sur mes joues. Tous les fous rires du monde ne naissent pas dans la pensée malgré qu’un probable lien existe avec elle. L’écriture dévoile, en partie, la part souterraine qui éructe à l’intérieur de ma chair. Je t’aime comme les nuages blancs inondent le ciel bleu. Je t’aime comme une source gorgée par la fonte des neiges éternelles dévalant la montagne pour remplir la rivière qui l’attend. Ce n’est plus un choix mais une réaction, une sauvegarde instinctive. La douceur sans la protection d’une durée désarçonne mon existence. Alors, je t’enlace au jour qui se conjugue, jusqu’à la nausée, jusqu’au crachin de la pénombre de mes pensées. Je prends appui sur la rumeur qui m’occupe comme un lion dans sa cage. Et même dans le sommeil, le félin emboucane sa litière et cherche à déchirer les barreaux.
Je ne suis pas malheureux dans les lâcher de silence. Je m’affûte dans les veines vives des ombres larvaires. Les mots m’arrêtent. Lassos de phrases furieuses nées dans le frisson qui m’arrache pour l’envol douloureux. Je me déchire inexorablement comme un tissu usé fouetté par la tempête. Le départ est inévitable, il s’inscrit malgré moi sur l’horizon qui se dessine. Un instant, rétractée et opacifiée, la lumière va crever la peau du tonneau. Je suis une cartouchière bourrée d’absences. Je traîne de relent en relent comme une bouffée d’oxygène réanime la flamme d’un bûcher.
- Bruno Odile - Tous droits réservés ©