Demain, dès l’aube…
Tous les mots sont couchés dans le mirage du silence qui fait la gueule. Le corps gorgé de soleil, le corps en chasse à l’intrus. J’entends bouger le fantôme furtif à l’intérieur de mes veines. Le jour rouge est percé par l’étranger qui navigue dans ma chair. L’eau déborde à mon insu. Un autre moi-même se profile comme une gangrène vieille de mille ans. Des pans entiers de tourbes et de lumière explosent dans l’unité de mon être.
Chaque morceau de désir accentue les plaies existantes. L’épurement de la purulence doit connaître la forge pour cautériser. Nos mains s’appuient sur la pluie. Nous glissons de goutte en goutte parmi les étincelles d’un collier de perles d’or. Nous marchons sur la buée collée à nos cœurs vitreux.
L’amour est une poésie capitonnée par les bourres de nos mémoires. Une seule pensée de toi traverse mon esprit, et c’est la mort tout entière qui demande pardon à l’absence.
J’erre dans une mer empourprée de ruines étincelantes. Tu t’es immiscée à ma ligne de fuite, à ma continuité difractée, à mon courroux de cocagne. Tu es ma plaie ouverte sur l’horizon éclaté. J’habite la beauté dans son exaltation la plus difforme. Je loge le boudoir des émotions captives. Je crisse comme une craie blanche sur le tableau noir des conjugaisons oubliées. Je séjourne dans la défaillance où je t’ai repêchée du bout des lèvres. Demain, dès l’aube… Demain où le jour va poindre, j’irai comme une percussion de révolver, j’irai frapper à la porte du canon qui m’emportera jusqu’à ton gîte. Mon cœur est une cartouche, et je ne le savais pas.
- Bruno Odile -Tous droits réservés ©