La joie est toujours une trêve douce.
Nous nous tenons debout, là où tout est abandonné. Il est des jours où j’ai ton cœur dans ma bouche. Il est des heures où ma voix chante comme la lune que tu as accrochée au-dessus de mon océan d’étoiles. On pourrait tenir longtemps dans cette faille dérisoire que les sens ont conservée. On pourrait croupir comme un tronc déraciné qui n’attend plus rien. Au cœur du lien indéfectible, toi et moi marchant sur l’immensité d’un toujours. Toi et moi contrits, traînant ensemble le miel accablant de nos isolements. Mais nos voix débordent du ravin, et nous déplions nos souffles au-delà de la banquise où la glace retient l’eau que nous avons avalée.
La joie est toujours une trêve douce, c’est une flambée de rameaux sensibles ramenée à la surface des glaces. L’écriture est une relation perdue, un désir inassouvi, un témoignage de l’obscurité où se redresse l’air qui n’a pas été respiré.
Un moment, on croit pénétrer son âme avec la lumière des cathédrales. Mais jamais on ne sait qui de l’âme ou de la lumière nous invite à repenser le fondement de soi.
Tes mains s’ouvrent comme une pile de draps restée dans l’armoire odorante d’une enfance campagnarde. Quand la nuit parle à voix basse, je vois les ombres que fait la lune à demi ouverte sur les murs de ma chambre. Et je reste devant la fenêtre à contempler le ciel comme s’il renfermait toutes les nuits dans ses bras. Je me raconte dans la confidence avouée de la blessure et mon squelette se replie comme une mer se rétracte sur elle-même.
- Bruno Odile - Tous droits réservés ©