Rien n’est à venir. Tout vient.
Je suis vivant dans l’œil d’un bourgeon de rose. Voilà qu’à présent, tu résonnes dans ma mémoire comme une source d’aubépine. Le nid est vide mais la présence de l’oisillon a laissé quelques duvets épars. La chair s’est défaite de l’os et il pleut des plumes sur d’autres sommets, sur d’autres lieux d’échos. Et parmi mille fragments dans ce ciel déchiré, je suis un vagabond vêtu de varech.
Les soirs d’ivresse et de tourmente, je suis habillé du crachin marin qui déambule au fond de tes couloirs. J’ai repris goût aux baisers du vent et au parfum de l’herbe verte. J’ai baptisé mon nouveau chemin avec les fleurs sorties des ornières de l’ennui. Peu à peu, la roche du temps s’est fendue. Un troupeau de mouettes l’a colmatée de vieilles pailles et de petits graviers. A présent, je me recueille tout proche du diamant du silence. Nous sommes très exactement là, sous tes doigts, où la fratrie nouvelle chante comme un coq au levé du jour.
A la veillée des brumes, la douleur s’est endormie sur le front des corbeaux. Tout de sable nu au milieu de la plage, j’ai fermé l’œil dans l’écume moelleuse des vagues. Rien n’est à venir. Tout vient. Une larme sèche colle sur la pointe de l’horizon. J’entends des voix où autrefois frémissait la tienne. Mes cicatrices se sont métamorphosées en coquillages entrelacés d’algues vertes. Elles chantent à voix basses, conquises par la force des bourgeons qui pointent leur nez au printemps. La nuit dévêtue de sa cape sombre lèche le feuillage où se cachent tes lèvres entrouvertes. Une goutte de jour brille dans le fond de mes yeux.
- Bruno Odile - Tous droits réservés ©