L’écriture paraît sur ton visage.

Je t’ai dans la tête comme un fantôme bourdonnant. Maudits bruits acharnés claquant sur mes tempes, le flot de mes pensées s’enroule aux chants macabres entre poignards et sabres. Mes oreilles sifflent des tornades poudroyantes et me voilà sur le sommet de la peine accablée de râles anonymes. Des clochettes blanches tintinnabulent au fond du grand désordre de mon existence. Mon crâne exulte les pensées dégoulinantes où le venin coule à profusion. Je suis devenu un hérisson qui tousse dans la nuit, j’habite la fatalité et, toi, tu réchauffes ma détresse.

Par-delà le monticule du temps, les bois fleuris jaillissent de la tourbe fraîche. Les pages se tournent. Le livre s’écrit, s’efface. Puis s’écrit à nouveau. C’est l’heure de dire l’acte sacré en soi. C’est l’heure de l’explosion des jardins secrets.

Le présent s’ouvre comme un sillon de terre, il réinvente le temps. Les rigoles de nos ombres s’écoulent dans le ruisseau de la vie. L’existence est une promesse infatigable, elle lèche la joue de nos désirs. Elle concrétise les rêves soutenus par nos audaces. Elle réveille la nuit figée dans sa coque dure et nous propulse comme du blé moissonné. Chaque rêve est un futur qui dort.

Je te réinvente du fond de mon corps. Je te crée dans le désert du bruit, au centre de sa masse bruyante. Une fine pellicule s’arrache de l’enfer des solitudes. L’écriture paraît sur ton visage. Les mots pataugent dans tes yeux, et puis s’infiltrent jusqu’à tes mains comme des colombes se noient dans un nuage de poudre blanche.

Extrait de : L’Amour, ce désastre indispensable - Bruno Odile - Tous droits réservés ©