La nuit est un relent.
Je marche sur le vent. Il colporte les sons opaques et tire la langue. Mais, son large bras réinvente l’exil, réinvente l’amour. Nos épaules brassées, nos poumons sevrés, nous marchons sur la ride du jour qui nous emporte. La bouche en fleurs, je serai le silence des foudres printanières où se régénère la pluie des mots. L’ombre sera avalée par la bouche écaillée des mémoires saturées d’affection où se déverse un raz-de-marée sonore. Nos barques de fortune partiront vers l’inconnu rejoindre les flammes de la parole où sans doute un peu plus tard nos voix se retrouveront.
Je m’exprime seulement à la lumière qui feinte mes saignées assombries. Le message des anges décèle les nuages, détache l’aube naissante. Et, je dessèche sur place. Le vent est sans patrie.
J’appartiens au temps qui passe. Et, je te dénonce parmi les lucioles envahissant l’obscurité. La parole est un cuivre doux qui prend la forme du ruisseau où coule le sommeil du baiser. La nuit est un relent. Elle s’engouffre dans mes veines puis éclate comme un bourgeon chargé de résine jaune. Sous la chair séparée, l’écharde de tes yeux retrousse la peau d’où s’élève un frisson grondant jusqu’aux pluies de météores. L’espace que tu occupes est transparent. Une légère dentelle blanche danse sous mes paupières comme une méduse.
De nos croisées humaines, la silhouette qui nous échappe emporte avec elle l’éternité que nous avions touchée. Le jour gesticule dans mes entrailles. Je suis devant la porte et je l’attends, tourmenté et songeur. Toute la vérité que nous avions acquise avant ton absence transforme les ténèbres en lumière. Partout les vapeurs du chagrin déposent leurs parfums de soufre sur la brûlure que le temps n’a pas su cautériser. Pourtant, il n’y a plus rien à retenir dans le présent qui ne se soit déjà effondré.
Extrait de : L’Amour, ce désastre indispensable - Bruno Odile - Tous droits réservés ©