Nous sommes des chairs de résonance.
Il n’y a plus rien dans le miroir. La tristesse m’a tiré comme un trait sous la paupière. La mélancolie, c’est la nuit dans le jour, c’est le rappel du dernier orchestre, c’est demain qui se souvient. Mon amour se déchausse au pied d’un lit d’absence où les feuilles mortes sont des couvertures pour le regret. Toujours quelque chose cesse d’exister là où mon cœur me conduit. La mort, cette obéissance sans ordre, cette gueule sans visage, je la côtoie depuis longtemps. Des rêves sans pudeur prolongent la perte et rallument les cendres éparpillées dans les buissons de la nuit. Toute la science des hommes s’enlise là où le chaos retentit. L’amour, même irréductible, échoue à vouloir enjamber la mort qui serpente comme une rivière en crue. Il ne brille que pour lui-même. Ma vie accolée à la tienne, c’est le dernier rempart pour le vent qui nous transporte. Près de toi, la tendresse imprimée à l’air se dresse et fait barrière à toutes les pertes. Ma conscience déracinée traîne dans ta marge.
Il y avait du sang lourd sous ta peau
La parole pensée en un espace clos
La vérité dans l’encombrement
L’ayant vue, j’ai reconnu la mort
Je t’aime comme mon sommeil
Les bras tenus par la nuit ouverte
Ton inexistence franchit le noir qui tombe
Sous la langue comme une épaisseur
Tu précèdes et succèdes au silence
Dans une parenthèse minuscule
Où le temps s’écrase comme une masse informe
Jour après jour, la lumière traverse la même vitre
Où tu te ranges, invisible, à l’arrière de l’ombre
J’avance dans les lignes où tu n’es plus
La page se noircit sans rien faire
L’immobilité de ta présence efface la marge
Un brouillon de mots flotte à la surface
Ta chair remise au monde, ravivée, avérée,
Rien ne s’achève et quelque chose touche à sa fin
Sur le point vivant une voix encore mouillée
Frappe à la porte de mes lèvres
Où se répandent l’encre et ton image.
L’inexistence aux abois se déplie
Au cœur de l’espace qui m’accueille.
Le mot qui pèse est léger dans mon esprit
Tu n’es pas ici, c’est pour cela que tu es partout.
Parfois, l’écriture transporte l’inconscient sur les vagues tumultueuses de notre réel. Ce qui doit disparaître, me semble-t-il, c’est le préjugé, la morale castratrice et la surabondance de la raison. La nature possède ses propres règles et elles m’échappent bien souvent. Je voudrais par moment n’être que de l’air. Mais, nous sommes des chairs de résonance et il nous faut composer avec la foudre et le chaos. Vouloir contrôler nos émotions, c’est vouloir les éduquer. Je n’ai plus cette prétention à partir de l’écriture, je me pacifie en extirpant de ma glaise profonde les échos restés dans le silence.
- Bruno Odile - Tous droits réservés ©