Je suis goinfré de pelures d’air.

Cependant…

Les mots qui se construisent dans ma citadelle ont le goût du souffre sucré. Ils sont tout à la fois des nomades errant dans le silence et les voyageurs bonifiés qui occupent cette navette incessante jusqu’à toi. Ma raison sait ton absence et mon cœur la souffre. L’écartèlement naît dans l’apostrophe. Ma joie passe son temps à te rejoindre. Elle te cherche dans chaque pli où le frisson cache sa déconvenue. Je rôde dans cet écart d’ignorance où j’entreprends le déchiffrage des herbes sauvages dans le silence qui nous ressemble. Puis, je me dissous comme une pincée de sel jetée sur la source qui coule au fond de moi.

Dubitatif, je t’accoste avec mon radeau et je me dissimule sur la falaise où tombent les jours qui nous séparent comme des boulets de canons arrachés à leur cylindre. Je suis moi-même arraché à ton firmament. Ton souvenir me découpe en lamelles tendres et les yeux que je vois dans mes rêves m’aspirent comme un siphon dévastateur. Au petit matin, inhibé, je me réveille dans tes courbatures. 

Pour influer et orienter notre insuffisance, il aura fallu lui donner des formes, des sons et des couleurs. Chaque affirmation rassurante nous a permis d’organiser le monde selon nos défaillances. Mais la douleur d’un cœur est un danger mortel. Mon réel s’extrait du sommeil comme un rêve qui n’est pas terminé et cependant il me hisse jusqu’à la faille extrême où l’existence rejoint la mort. Je rivalise avec la vérité de la science humaine que je détourne par nos prêches et nos paroles.

Je suis un peu de l’ombre indocile sous la branche du jour. Une onde fragile répand de longs parfums de cristal sur le cerceau squelettique du silence. Je suis goinfré de pelures d’air. Je porte au creux de ma poitrine un vide dévorant que seule comble la chaleur de ton corps contre le mien. 

- Bruno Odile -Tous droits réservés ©