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LA COLLINE AUX CIGALES
3 août 2013

Habiter l’absence.

The_white_cloth_2004_Yvonne_Jeanette_Karlsen1A présent, le souvenir n’est que condescendance. Plus grave est l’empreinte de tes yeux. Sourire calé aux trépieds de la joie, sourire que l’on porte dans sa chair comme un rayonnement apaisant. J’ai tout un corps pour le retenir, toute une âme pour le faire danser. Chargé d’écumes, l’éclat rebondit sur toutes les surfaces bosselées. Cinq soleils s’enfoncent dans le blé. Cinq, nous n’étions pas davantage. Famille de l’index à l’auriculaire, une main repliée comme un rideau de laine sur la filiation de l’heure encanaillée. Puis, la rupture, la cassure, une main sans doigts au bord de l’émiettement. La paume retournée vers le ciel comme une crêpe confiturée d’étincelles. Nous nous sommes promis une chandeleur permanente pour ne pas être accablés. A peine le rire libéré que déjà nous étions assiégés par la vie qui se déroulait sans rien expliquer. Et désormais, tu es l’ombre qui écoute aux portes de mes frontières. Rappelle-toi, nous préférions le secret des fleurs qui s’ouvraient avec la venue du soleil. Nous regardions tout au bout de la mer et nous supposions que sa ligne d’horizon engloutissait toutes les mains du monde. 

Déjà, la mort dans l’âme, nous parfumions les poussières oubliées dans l’écrin de la pierre. Déjà, nous admirions la bataille des crinières blanches des chevaux de Camargue qui galopaient sur la plage. Du sable dans les yeux et le Mistral nous poussant dans le dos. 

Il y a encore une multitude de vagues rugissantes qui déferlent sous ma peau et je suis éclaboussé, et je suis trempé de l’image qui se répand de mon esprit jusqu’à la lumière mièvre des jours immobiles. Ta voix est devenue cet orchestre muet qui me fait sursauter brutalement du sommeilsuivi d'éclairs par intermittence. Je n’ai plus besoin de me lever pour ouvrir la fenêtre, tu es collée sur les parois de mon cœur.

Des bêtes sauvages se fondent dans la brume épaisse. Quelques moutons pâturent l’herbe qui se réveille. L’air mouillé dégringole sur ma langue. Des mots en goguette au fond de la gorge cherchent la rade, mais les courants du songe les délogent avant même qu’ils n’aient pu s’associer. 

J’ai l’impression d’habiter l’absence. Je me nourris de la pierre que fouette le vent. Deux orbites ammoniaquées et sulfureuses plongent dans ma chair comme deux cerises atomiques.  

Tu n’es plus là. Sans doute vais-je me rompre. Une foudre à nulle autre pareille traverse ma vie qui s’émiette. Tout au ralenti, des milliers d’artifices chutent sur le mur de béton qui me fait face.

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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