Dans cet équilibre précaire.

Notre joie est une tristesse dévoilée dans le jour qui pleure et qui rit. C’est un chavirement d’un bout à l’autre dans la piscine intérieure que nous traversons sous l’eau en apnée. Chaque sourire, chaque emportement, chaque embardée joyeuse nous rappellent le puits sombre dans lequel nous résidons fatalement. Comment pourrions-nous échapper à la cruauté de la vie autrement que derrière nos masques et nos rêves ? 

Lorsque nous avons réalisé que notre existence toute entière serait une marche forcée sur un fil tendu au dessus du vide, la peur ne nous a plus quittés. Dés lors, nous avions choisi d’habiter nos visages comme un nid au-dessus du ciel. Pour autant, la conciliation entre les désaccords d’une présence essentielle et d’une absence relative n’a jamais su vraiment nous protéger. Nous sommes portés disparus et dans l’attente que l’émotion du noir réponde à notre place. Puis, nous nous sommes choyés dans cet équilibre précaire, naïf et maladroit. Ta peau était cette nuisette que tu enfilais chaque jour comme on s’invente un épiderme dans le drapage des apparences muettes. Mais chaque fois, avant que la nuit ne tombe, le tissu qui enveloppait tes formes disparaissait comme lapé par le noir moribond. Tu n’as jamais su cuirasser la nudité de ton être aussi longtemps que ne dure une journée d’existence. 

Tes yeux avaient la douceur des serviettes éponge lorsqu’on sort de la douche. Rire et pleurer simultanément rappelle à l’enfance l’émotion chancelante du corps qui s’agite à l’éclair du senti. Et, la chaleur solaire qui t’accompagnait recouvrait les ondes crépitantes à la surface de toute illusion. Tes lèvres tricotaient des mots inaudibles. Ta sincérité se faufilait parmi les bruits de la peur dans les bois épais et les buissons de la forêt. La meule à franchise élimait le silence et le coulis de tes sources se faisait entendre dans le murmure de l’air. 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©