Il n’est d'amour réel qu'à l'ombre d'un rêve.
Après l’orage stellaire où les étoiles se disputent les traînées éphémères
Qui lanternent le ciel d’une pluie de fils blancs. Le noir s’agrandit encore
D’une épaisseur veloutée et des rameaux de pierres s’aiguisent sur l’ombre
Comme des couteaux s’affûtent sur nos cœurs devenus de la poussière
Toi et moi, sur la berge des peaux désavouées par le temps
Une lime à ongles pousse entre nos dents
Il y a des fouloirs et des fumées qu’emporte le vent
Et puis des sourires dépassant les frontières de l’accablement
Nostalgie en bouquets de chagrin, la rime s’épelle
En guirlandes d’amour confidentielles
L’hiver est sans fourrure au bout de la colline
Tu trembles et j’ai froid sous ma rustine
Mélancolie, tu défailles. Tu as perdu une rose à ton manteau
Je vois monter partout des néons au-dessus des lavandières
Les astres convoyeurs ont des valises sur leurs museaux
Midi ou bien minuit, c’est l’amertume dans notre annuaire
Je n’avance plus dans la tornade du sentiment
Une pelle creusant la terre, une autre rebouchant la fissure
J’ai sous la main un parchemin d’injures
Que je brûle sous la langue fourbe de l’avortement
Notre pinacle est au pays des fleurs fanées
Il traîne sur le comptoir des mots percés
Parmi les lumières chancelantes et les dérives closes
Nous aérons la mort avec une tendresse de virtuose
Demain ne sera plus nulle part
Il braconnera la douceur cassée et nos bouches bées
On s’est pris les doigts dans l’éternité
On mange du « je t’aime » comme des léopards affamés.
L’odeur de l’angoisse rejoint l’accablement. Des fantômes nus traversent nos peaux. Il n’est d'amour réel qu'à l'ombre d'un rêve.
Des baisers tendres me reviennent par bouquets et, dans la rétention cadenassée de l’absence, l’air retient encore quelques bouffées de lumière. Et je ne sais toujours pas où la matière dépose ses fardeaux. Je ne sais toujours pas où vont mourir les jours dévissés du calendrier.
Il faut sans doute accomplir et répéter sans relâche le geste d’amour. Il faut sans doute muscler la brise impossible qui délie les branches au-dessus de nos têtes. L’amour pointe son nez au-delà de l’attente, bien au-delà de la présence réconfortante des sens récepteurs de tendresse. Il n’est d'amour réel qu'à l'ombre d'un rêve et je te porte dans mes veines comme un souffle soulève les feuilles jonchées sur le sol de ma mémoire.
- Bruno Odile -Tous droits réservés ©