Buveurs de feu.
La lune a déposé son verre vide sur un croissant luisant. Mes lèvres touchent au bouquet d’étoiles et l’avenir se présente doré comme des yeux qui auraient bu aux chandelles du désir. Nous sommes ivres et l’instant prédomine tout artefact. Une seule raison nous unit : la soif de la communion est plus forte et plus intense que le simple dépouillement de nos illusions. Vivants, nous avons pensé la mort comme une stèle commémorative. Il n’en est rien. Nous savons à présent que nous sommes mélangés à nos émancipations. Nous savons le rébarbatif des silences qui s’accouplent. Nous sommes un incendie débordant la flamme. Nous buvons le feu comme d’autres se saoulent de grimaces tendres et de l’accent doux des teneurs du monde.
Je continue à marcher dans le fossé des défis et des rondeurs de la terre qu’il faut mettre à plat. Je crèche désormais au dessus de la corde qui reste tendue entre la misère d’un cœur et l’affable rengaine des bonheurs empaquetés d’avance. Ma joie est l’expression patibulaire d’un désastre qui se rachète.
L’amour taille la nuit à sa juste mesure. L’étreinte va avec la rencontre parce que cette dernière délivre. Nous sommes un crépuscule ardent qui s’éclipse dans le cri du monde. Nos terres sont le testament du devenir et nos empreintes préparent le tombeau de la mémoire qui ne respire plus. A bout de souffle qu’allons-nous retrouver, qu’allons-nous retenir des candides beautés de la mâture qui soulève nos obscurités ?
L’amour qui exclut la réciprocité s’oublie dans la primauté du sien. Il ne déroge pas aux obligations du beau ni à la fidélité d’un passé qui nourrit l’instant. Personne ne peut dire la noire saveur qui prétend s’unifier à l’absolu. Tu t’accordes à mon horizon comme les branches du saule qui trempent dans la rivière.
- Bruno Odile -Tous droits réservés ©