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LA COLLINE AUX CIGALES
8 juin 2013

J’aurais pourtant voulu que ça claque et que ça crisse.

Francine_van_hove_la_couette_bleue_1997Comme des gorgées de sueur infinies pliées dans un mouchoir, je voudrais que la fièvre qui monte progressivement jusqu’à mes lèvres emporte avec elle les perles d’eau remontées en gouttes bleutées. Une goulée d’amour donne à la soif toute sa démesure. Et derrière chaque lueur, une étoffe d’ombres couvre le souvenir d’une castration insolente. De la césure vécue nous avons si souvent égrené le chapelet de frissons qu’aujourd’hui la peau du silence effleure nos âmes comme une brise fanée.

Ton absence ressemble aux bruits de la mer les soirs de houle et d’équinoxe. Un instant, je te retrouve dans l’agitation des vagues qui fouettent furieusement les côtes. Dans le déversoir de la houle, tu es une coulée de tendresse rameutant le ventre obscur des fonds de mer et ta bouche recrache les algues touffues jusqu’à nos poitrines. Ma peau conserve cette trace invisible comme une pointe aiguë sur un mur de pierres creuses. Je suis peut-être le reflet du verre soufflé où ton haleine s’infiltre. J’ai les mains vides, tout est maintenant à portée du regard et c’est l’amour qui supplée à trop d’absence et à trop d’amères tonalités. 

Le jour se lève et il te suit. L’instant est trop souvent le projet encombrant du désastre. Il s’inscrit sur la paume de l’heure vide respirant plus haute que nos poitrines. Quelques mirages s’avancent dans la clarté de nos cœurs dépossédés et aussitôt nos chairs frôlent les nuages comme des oiseaux qui traversent ensemble la brume. Un peu plus loin, dans le contrebas une porte s’est ouverte et la forêt nous présente ses clairières comme une île de lumière au milieu de l’obscurité. 

A l’angle de l’air blanchi, une fleur se perd parmi les feuilles qui s’envolent. Mes os sont bien seuls parmi toute cette chair qui l’enveloppe. Tu te disperses et je n’ai plus la force de te chercher au travers des broussailles. Lorsque l’heure s’enfle comme une bouée sur la mer, le passé s’efface et il ne reste plus que nos cœurs dérivant sur une plage dépeuplée d’appréhensions.

Un vent léger caresse le désir d’assouvissements et nos ombres jouent avec les lucioles phosphorescentes qui effarouchent nos pensées. Ta peau est une nappe perforée de souffles où s’égrène doucement la volupté. Nos ferveurs réciproques s’accoudent avant de s’immerger dans le vase sibyllin de nos émotions de cristal. 

Parfois, je me baigne des heures durant et je m’imprègne copieusement de tous les sucs de la mémoire. Je me laisse porter par la manne d’images, de sons séraphiques et d’odeurs sucrées. Je me risque à les habiter à nouveau mais rien de ce que j’espère ne se produit. J’aurais pourtant voulu que ça claque et que ça crisse, qu’une tempête démâte les ombres où je te perds. Il me plairait tant de m’inscrire dans le souvenir que j’ai de toi comme s’il était un présent immédiat. Que cela m’emporte avec violence et véhémence, sans que je puisse m’écarter de ta présence. Mais, je ne maîtrise rien, ni le temps qui s’échappe, ni l’affection qui m’attache et me perd.  

 

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Brûlant!
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