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LA COLLINE AUX CIGALES
6 juin 2013

« Uno terro, uno lenguo, un pople ».

Francine_van_hove_1984_Pays_de_neigeDes brises lames s’enfoncent dans la cornée des heures mortes. Je suis estomaqué de voir combien le temps se limite parfois à la seule pensée qui m’occupe. Ta silhouette tabanège (1) à l’intérieur de mes rêves, tu es l’Arlésienne dans la fugue, tu es le sanquet (2) recueilli pour la marinade confectionnée par l’émotion. Tu fais la cabucelle (3) et le parfum du thym placarde les parois de ma mémoire. Qui du senti ou de la pensée précède l’autre ? Il n’y a pas de mesure pour exprimer ce qu’effleure le souvenir. Tu exacerbes mes sens à la rencontre de ce qu’ils ignorent et tu augmentes ma réflexion par-delà la simple contemplation.

« Uno terro, uno lenguo, un pople » (une terre, une langue, un peuple), je t’assimile à l’identité de notre culture. Celui qui n’est jamais allé en notre pays, te reconnaîtra dans l’accent qui épouse nos expressions colorées. 

Et puis comment oublier nos après-midis à jouer aux alentours du moulin de Daudet, nos cabrioles dans les champs qui bordent le Rhône, nos pique-niques aux abords de Maillane. Chaque champ de lavande me rappelle nos cache-cache improvisés, chaque champ d’oliviers me ramène aux promenades que nous faisions les jours sans école.

Le réel m’échappe toujours. Je voyage au travers de la pitrerie des jours lancinants comme des épures au pays des ruines. Je garde le contact avec ton fantôme. L’amour me conduit à pratiquer des excursions immobiles. Mon cœur trimballe ses malles à l’infini de tes contours. 

Toujours des mailles et des boucles fripées dans les cicatrices du temps. Nos souffles figés demeurent dans l’histoire abandonnée aux jours sans fin. Tout ce qui revient toucher la tendresse aux frises d’un baiser raconte un frisson oublié. 

Brusquement, la prise de conscience de l’assouvissement affectif disproportionne la souffrance qu’elle a engendrée. Le silence connaîtrait-il la satiété incommensurable de l’insurrection des cœurs ? Je ressuscite à chaque battement de paupière.

Pour écrire, j’utilise les accidents de l’amour et toutes les faux mal aiguisées que j’ai conservées dans mes placards à sensations.

Je ne sais écrire qu’avec de la craie. Tous les mots sont friables de leur nécessité à ravitailler un sentiment. Rien n’est plus fragile qu’une lance enfoncée dans la neige. Quelques gouttes de sang séché sur une ardoise me rappellent le difficile combat entre la raison et l’émotion ressenties dans le froid. Le bruit de l’éclatement des phrases qui s’empilent dans ma tête me laisse supposer l’eau pantelante dans les mouvements de désarroi que je ressens. Je suis amputé du présent lorsque je le réfléchis et je me cogne à l’air lorsque je deviens le souffle de mes sens.

 

 (1) Tabanèger : vaquer à des taches sans grand intérêt. (2) Sanquet : sang recueilli d’un agneau ou d’un chevreau pour faire la sauce d’un plat. (3) Faire la cabucelle : désigne « celui, celle qui couvre », couvercle d'un pot, d'une marmite.

 

 

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Commentaires
I
2 très beaux textes ces 2 derniers<br /> <br /> les autres aussi bien sûr<br /> <br /> mais celui-ci touche une sensibilité profonde<br /> <br /> bonne journée à toi;)
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