A l’embouchure du péril.
J’ai aimé sans mourir. J’ai aimé tes yeux noirs et tes boucles de cheveux en cascades. Ma sœur, ma similitude disparate, mon écart, ma doublure. Tu es ce reflet de fournaise replié dans le miroir où s’emmure la fureur ensanglantée de la passion. Je t’aime dans la survivance immunisée de toutes caricatures pastichées. Odile, ton prénom est un vaccin. Ton prénom est une dispense à la fourberie des étincelles qui se cassent comme du verre.
Aimer, c’est pénétrer la nuit confuse de jouissance… Aimer, c’est se défaire de sa solitude pour plonger dans celle de l’autre. Aimer, c’est déjà un peu mourir dans le ravissement des ombres pour y déloger la lumière tue.
Aimer, c’est résister. Nos certitudes sont des geôles de routine. Nos ego sont des enfers. Nos ego sont nos sauveurs. « Je » est un pitre qui se joue de nous. « Je », c’est moi qui voudrais, c’est moi écrasé par la lourdeur qui dépote le ciel de son horizon vaseux.
Sous la clarté de nos chemises, sans que rien ne bouge, des bouffées de vie refluent de la forge où la mort rayonne. Aimer, c’est croire ne plus être seul. C’est donner à l’absence le goût de l’absinthe ferrugineuse et c’est vivre dans le déchiqueté des relents cupides. C’est accomplir une course limpide dans la ferveur spontanée, là où tous les fleuves se jettent à l’embouchure du péril.
- Bruno Odile -Tous droits réservés ©