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LA COLLINE AUX CIGALES
25 avril 2013

Mes cils collent à la langue, je bégaie.

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Il y a des solitudes qui meurent. Des tristesses et des chagrins dans l’encornure des respirations, dans l’articulation de la plainte et de l’apeurement. Les souvenirs étincelants et rieurs restés au fond de nos souterrains nous reviennent comme des soleils perdus qui nous réchauffent. Il y a des fièvres inoculées dans la voix de nos souvenances. Les recueillements de la postérité ont le goût de ce qui se termine. Sans doute, connaissent-ils mieux que personne la lumière qu’ils traînent derrière eux. Le sacre mortifère de ta disparition est devenu un engloutissement profond. 

Renvoyé à l’exil, le détachement ne peut s’effectuer qu’à la vue des chaînes qui retiennent. A bâtons rompus et dans un frétillement de maillons ferreux, l’ancre soude le navire au fond de la mer. L’air boit la tasse et coule. Nous sommes attachés, la poitrine ouverte comme une fenêtre. Des algues défilent sous nos yeux. L’eau travaille. Des boulons rouillés tombent de nos mémoires.  

Te dire davantage serait escamoter l’amour qui nous transporte comme des sacs remplis de glaises prêtes à être façonnées et à être polies. Dans nos landaux traînent encore quelques sentiments mort-nés, quelques émotions repliées où se conserve le temps qui n’a su naître.  

Solitaires de nature, nos ombres se mélangent. Nous sommes si nombreux au creux de l’obscurité que la parole y est lourde et la voix pâteuse comme une cire molle. Dans la culbute des heures dures, nous avons pitié de nous-mêmes. 

Des rivières souterraines chahutent si fort que je ne m’entends plus.   

Mes pensées déambulent. Elles rôdent dans la chaux. Elles cherchent une place, un lieu sans pudeur, un air fluide comme un brouillard transparent tissé sur l’eau immobile. Tu me regardes sans fin et mes yeux se figent. Mes cils collent à la langue, je bégaie. Ma parole se mélange à l’air. Les mots respirent et suffoquent. C’est l’abîme muet, la parenthèse de la parole tenue entre deux portes sensibles.   

La solitude sommeille dans le froissement de la voix et ma chair devient un désert d’eau et de sel. On croit, un temps, vivre dans l’ablution des histoires vieillies, dans les séquelles du monde, dans la quête et la faveur des jours plus homogènes. Mais en réalité, nos cours d’eau s’amenuisent, nos rivières se désaxent, nos chemins se déhanchent. Chaque jour semble être l’homonyme du précédent. Il n’est cependant qu’un reflet de l’immédiat. Il n’y a pas de mémoire incontestable, pas de lieux habités ni de cimes atteintes qui ne soient pas des lacets défaits.

L’endurance pérennise le sentiment qui nous secoue. Plus je m’attache à te faire durer, plus je me risque au mépris du réel. A trop parler, je meurs au pied de l’arbre. Quelques gouttes coagulées sont déposées dans un passé à voix basse.

  

- Bruno Odile -Tous droits réservés ©

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