Le silence ne murmure pas, il s’étrille.
La perte est si grande que les forêts de l’Amazonie sont de simples tâches sur la carte de mon univers. Et pourtant, je n’ai qu’à fermer les yeux pour te voir traverser les ruisseaux et les torrents où nage mon cœur. Même estropié, je vais à ta rencontre. A l’aveugle, sans directions pré-établies, je vais vers toi comme on marche vers des lambeaux d’amertumes restés blottis dans la source première. Je vais sur le devant parce que derrière n’a plus de place pour accueillir nos ombres. Je vais d’un long pas sourd à la rencontre de l’amour et de sa capacité défectueuse à faire durer ce qu’il a encouragé. Je vais au bout du monde chercher des lunes fanfaronnes et des étoiles attachées au noir par des ficelles. Je vais doucement vers la chute et je vacille comme une ombre sur le mur du désarroi, ce dernier rempart à notre survivance.
Doit-on vraiment raconter autre chose ? Exprimer sa fêlure n’ôte rien au puits dans lequel nous sombrons.
La vie d’un cœur aimant est incassable. L’assaut du temps sur les promesses d’amour ne pourra rien y changer. Je veux sans tarder bâtir une dune de sable pour y accueillir les rayons perdus du soleil. Fille de la terre, la certitude est morte dans la profondeur de tes reflets.
Tout est périssable, du phare éclairant la nuit aux digues reflétant l’échelle qui colle au ciel. Dans la nuit solitaire les déflagrations du noir sont égales à l’orgueil d’une vie. La lacune n’a pas de front où se frotter. Le silence ne murmure pas, il s’étrille.
Le feu a tranché l’espoir courbé à la rumeur. De toute part, la lumière traverse tes yeux et je vois des rides informulables. La mémoire balaie la réalité, lustre le souvenir et interprète le souffle que seule la nature pourrait concevoir. Tu me tiens au cœur comme une épine brûlante.
J’ai roulé sous ma peau de chaudes histoires que nous pourrons rêver ensemble. Plus tard, lorsque la désuétude aura traversé le bruit de nos poussières. Maintenant, nous pouvons enfin dormir tranquilles. J’ai conservé la couverture de la sensation aux cœurs des mailles rassurantes et le mirage qui suit, découd la neige qui nous avait ensevelis.
- Bruno Odile - Tous droits réservés ©