Un petit coin invisible.
De toi à moi, les oiseaux sifflent une nuit sans parole. Le noir a des lèvres charnues. Espiègles lueurs qui s’immiscent, je vois des auréoles de blancs grimper au-dessus de la mer du printemps. Des arbres en vacances multiplient les fleurs roses sur l’horizon. L’amour est aux racines, il comble la terre oubliée dans le silence et les tranchées asséchées où pousse la mauvaise herbe.
Nos âmes ont l’odeur de la mer à pleine narine. Une vague suffira à emporter toutes nos paroles d’hiver. Nos cœurs sont des soldats à l’épreuve du temps. Dans nos mains, le ciel est en exil. Quelques nuages en bataille cachent le soleil devenu une bûche de lumière derrière la montagnette toujours présente dans notre effondrement. Mes yeux sont des furoncles et ma poitrine porte l’abcès où ta mort s’enflamme.
Il n’y a pas d’autre terre sacrée que ce jardin où tes cendres rayonnent. Je porte une croix qui pleure, je porte une vie de cocagne sur la mâture où des étourneaux se posent. Sous la broussaille des ombres murmurent le chant du ruisseau qui nous a ensevelis. La clarté a vécu et je dors maintenant dans le fourreau où l’accablement existe à l’air pur. Ma voix est debout sur la brisure. L’heure décline et je chante la berceuse qui tient en haleine tout le sommeil de notre univers.
- Bruno Odile - Tous droits réservés ©