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LA COLLINE AUX CIGALES
14 avril 2013

Des graines de gangrène.

58e34527Il faut piocher dans l’extrémité de l’existence pour déceler le parfum des fibres essentielles. Je n’habite plus nulle part, je suis devenu une hutte flottante, un bivouac sur les chemins du hasard. Trop de rumeurs coexistent dans ma chair pour que je puisse encore prétendre avoir l’esprit clair. 

Cela aurait pu être la terre, l’eau et le fourrage. Cela aurait pu prendre forme, ajourer l’ombre des montagnes, et ruisseler comme une lumière dévale les pentes. Mais, ce n’est qu’un songe, qu’une bande défilant sous les yeux. Nos cœurs sont sur la table. Le repas est fini. Il faut ranger les assiettes et les couverts, puis l’évier encombré. On raccroche nos serviettes. C’est terminé.

Cela aurait pu être un repas sans terme, un verre toujours rempli, un moment ventru berçant une soirée et tous les soirs qui suivent. Cela aurait pu tricoter le silence d’une bouche pleine et celle d’un ventre qui reçoit la caresse de la paix intérieure. Un moment de remplissage et puis du temps de délivrance. Mais tu n’es plus là. Ta place est vide, ton assiette aussi. Et mon cœur n’a plus faim.

Je sais bien que tout s’efface, que tout se gomme à l’éternité. Je sais, aussi, la rognure des traces, l’ourlet revêche sur la serviette et les plis arides restés sur les mots qui renaissent de leur chute. 

La mélancolie migre comme l’hirondelle. Elle s’envole pour renaître plus loin, pour s’évader du froid qui pourrait la figer. Elle n’a pas de boussole. Son chemin est déjà inscrit dans son plumage. Il ne reste que ma vie sertie au vide des joies, aux bonheurs irrités par leurs étincelles. Tu es présente au cœur de l’infini, ta silhouette est habillée d’eau sur un rayon de lune. J’ai à l’intérieur du crâne, mille siècles de foulées invisibles et de sillons inadéquats. J’ai trop de temps accumulé dans les souffles de vie qui s’évaporent.

Des années de mouvance grelottent dans mes entrailles. Des graines de gangrène gisent ici comme la farce de l’inspiration que l’on suppose venue d’ailleurs, arrivée par des spirales inconnues et inconscientes. L’imaginaire que l’on sonde quelquefois nous envahit de surprise, transportant jusqu’à nous la dispute du réel et du virtuel. Tout cet inexistant endurci finit par déchausser nos corps de leurs souliers de terre. Et nous marchons la langue pieds nus.

  

- Bruno Odile - Tous droits réservés ©

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Confirmé dans mon intuition: voir le monde est voir un corps, et le corps est fait avec du monde. L'autre ne manque jamais dans le monde, il manque dans mon corps et, évocation chrétienne et mariale, dans mes entrailles.
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  • Dépotoir et déposoir de mots, de pensées... Ici repose mon inspiration et mon imaginaire ; une sorte de maïeutique effrénée et dubitative et il me plait de pouvoir partager à qui veut bien.
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