Tu tiens deux cœurs dans tes mains.
Il ne faudrait pas grand-chose pour que nos cœurs soient recouverts par le parfum des cerisiers. Même lorsque tout me paraît absence, le jour laboure mes sens de mille et une flopées. L’ordre est impossible dans mes entrailles. La chair est trop sensible. Le feu qui souffle emporte la chaleur vacante.
Tu me heurtes comme une pierre frappe la vitre. Le marron de tes yeux siffle comme des étourneaux dans un ciel d’automne. Le vent nous a déchirés en lambeaux de gris. Hors de nous, la foudre se meurt et je frémis comme l’air qui s’échappe d’un accordéon mal refermé. Une candeur nouvelle pose ses mains sur l’espace que tu as déserté et je blanchis jusqu’à l’obscurité. Ma langue croise le soleil caché derrière la lune. Il pleut des rivières fraîches sur la bouche des heures à demi closes et mes doigts deviennent des papillons.
J’entre dans la nuit comme l’on pénètre dans un mur invisible. Ta voix est collée à l’air que je respire. La page où j’écris palpite. Nous nous rapprochons. Ton haleine cogne à mes yeux. Je ne vois pas vraiment mais je te devine. Mon rêve se détache, j’occupe la réalité comme l’air se déploie sur de plus vastes étendues que les nôtres. Outrecuidance de la velléité. Ma soif t’accompagne comme une digue dirige l’eau. Le bruit d’une cascade attire mon attention. Je t’aperçois plus nettement. Tu tiens deux cœurs dans tes mains. Tout cet amour me dévaste. Tu tombes de mes yeux comme des perles brûlantes. La terre me mange et je roule à mon tour comme un galet dévalant une pente.
Je tressaute. On ne se rend jamais compte de l’inimaginable. L’herbe est à genou et une colonie de fourmis macrophages nous a précédés. Mes membres sont décortiqués jusqu’à l’os. Je foisonne d’images troublantes. Rien n’épuise ce rêve enchevêtré de ricochets. Mes pensées transparentes aux regards s’effilochent en lambeaux de dentelle. C’est ma vie fuyante, en exode. C’est comme un demain qui serait aujourd’hui. C’est la fin de mon corps et le début de la matière. Je t’aime et tu t’éloignes.