Ombres contre vents.
Brève, tu seras brève et chiffonnée. Tes manches seront trop courtes et ton corps aura tous les âges. Seuls tes yeux garderont la couleur du sang qui nous unit.
Précocement, l’été germinait dans nos corps où la durée n’en finissait pas de tourner en rond. Ta figure hâlée émergeait déjà à force de poursuivre le soleil. Déjà, on fêtait la Noël en juillet et la chandeleur en septembre.
Désormais, plus rien ne décline, plus rien ne dérive. A peine si la tendresse s’effrite que la colère lui redonne un baiser. A peine une douleur immobile s’effeuille dans son argile tendre qu’une lourde robe noire recouvre l’émotion qui brûle.
Ombres contre vents, la nuit déploie sa course jusqu’à la surbrillance de son silence plat, rectangulaire comme une tombe. Et, dans le souvenir d’outre lieux, tes yeux sont toujours des rondes, des danses d’ambre palpitante et de folies clandestines. Tu ne t’es pas éclipsée seulement comme une lune dans l’ombre jaillissante des ténèbres. Non. Tu es partie, seule, habitée d’une blessure brossée et coiffée sans relâche. Tu as quitté l’empâtement de ce monde de graviers roulés où grinçaient tes promenades perdues. Tu t’es limogée toi-même, rejetée à la distance pirandellienne de l’éboulement, de l’affaissement, de la dégringolade. Et tu as glissé loin. Loin dans la nuit de giboulées d’ombres. Loin dans un ailleurs que je ne saurais qualifier davantage tant les droites illimitées franchissent à perte de vue l’innocence roturière des paysages qui nous entourent. Si loin que ta voix ne résonne plus qu’au travers de la musique de mon cœur, de mes tripes et de mes survivances apprivoisées. Tu as défait les mailles des jours de plomb. Tu as tricoté un nouvel espace, une nouvelle momie, une nouvelle préhistoire où se recoud le temps. Tu es devenue l’impact d’une balle de révolver qui traverse le vertige.
Toujours réfugiée dans l’horizon fertile, la plainte à demi cajolée flirte avec le sommeil magicien. Le sommeil réconciliateur inavoué des greffes où disparaît la distance, où s’efface la disparition. L'amour est une absence, une dissimulation, un habitat naturel que nous occupons comme le refuge de nos lacunes.