Au grand manège des nuits blanches.
Nous sommes la métamorphose permanente de la vie en sursis. Nos coutures sont le souffle du jour et nos tissus de saison portent l’échancrure par où s’envole l’air que nous avons respiré. Nous sommeillons un moment dans la résonance de nos sangs mélangés. Puis, nous allons ruisseler de fous rires en fou rire sur la pierre de l’ombre, là où l’écume absorbe tous nos manques et toutes nos déconvenues.
Nous apprenons à bercer nos entailles. Nous chapardons dans la fêlure de l’autre les couleurs d’un improbable arc-en-ciel. Notre lien à la teneur des échos qui se déversent sur une toile percée.
Nous avons répondu aux souffles incertains des histoires sans lendemain. Nos fourches ont tendu le foin séché aux flammes du pardon. Nous sommes assis sur l’entente sans équivoque de la transcendance.
Tout a changé, tout est pareil. Le temps écoulé a filtré nos voix et nos cœurs. Rien de ce qui a été ne demeure intact. La mémoire, elle-même, ne conserve que des bribes incomplètes. Elle s’use comme l’eau incessante de la rivière qui traverse la terre avant de rejoindre le nuage redistribuant la pluie. Des poussières de lune comme des flocons lumineux ensemencent la nuit d’une multitude de gouttes jaunes.
Sommes-nous encore loin des racines de nos cœurs ? Ma conscience se dissipe, mon corps s’évanouit peu à peu dans le grand siphon des rides tuméfiées. Je m’éloigne du monde sensible pour devenir à mon tour une émotion tourbillonnante.
Nous avons rendez-vous derrière l’orage qui termine son manège d’éclairs et de foudres tonitruantes. Nos mains sont des poignées enfoncées dans les ronces, nos bouches tiennent entre leurs lèvres une graine nouvelle.
Une fleur est née de la tempête, elle s’accouple au soleil comme une feuille s’enroule à l’arbre qui la porte. Nous sommes corps à corps dans l’unisson des hymnes fraternels, je danse avec ton sourire et tu valses avec moi dans le tue-tête des joies sans limites.