Qu’y a-t-il derrière l’horizon ?
Qu’y a-t-il derrière l’horizon ? Une nappe blanche recouvre la nudité de mes songes. J’ai le cœur planté comme un gyrophare sur l’étendue indéfinie. Je ne vois pas, je n’y vois rien. Devant, derrière, c’est pareil. Tu occupes les manches de mes frissons. Des fourmis grimpent dans mon crâne, j’entends leurs pattes résonner dans mes tempes. Des mouettes glissent sur des taches d’huile. Il n’y a rien dans l’escarpin du jour, rien dans la nuit qui vient. Furieuse la mer est une avalanche permanente. Des vagues et des vagues touchent le ciel et rayent le trait chauve de l’horizon. Que deviendront les baisers de la lune qui se dérobe sous les nuages ? Je voudrais souffler sur son halo jaune pour qu’il rehausse le plafond des étincelles. Tu crépites sous ma langue et j’ai les doigts gourds. Plus un mot, plus d’écriture, tout l’espace s’empile sur ta cendre. J’ai les cheveux qui grisonnent et le corps en pantoufle. Ta silhouette funambule s’éclipse derrière ma poitrine. Sous la main, j’ai la jambe d’une mariée vêtue d’un filet lin et le chapeau du vent pour dernière boussole.
Nu, je suis nu, dans le vertige où s’effilent tes fibres bleutées. J’ai frotté ma lampe d’Aladin sans qu’aucun vizir ne vienne soulever le chagrin à ma place. Il me reste un parfum d’eau et le solfège des fleurs épanouies au bord des flaques que les orages remplissent de leur tristesse. J’accompagne le cortège des ombres qui vont mourir derrière le ballant des jours heureux. Je m’inscris du bout des lèvres sur la peau de la lumière. Ton visage ne quitte pas le sang de notre amour.
A l'aube le commencement, au crépuscule les prémices de la nuit et toute la vie comme un début incessant.
Brusquement, la prise de conscience de l’assouvissement affectif disproportionne la souffrance qu’elle a engendrée. Le silence connaîtrait-il la satiété incommensurable de l’insurrection des cœurs ? Je ressuscite à chaque battement de paupière.
Pour écrire, j’utilise les accidents de l’amour et toutes les faux mal aiguisées que j’ai conservé dans mes placards à sensations.
Je ne sais écrire qu’avec de la craie. Tous les mots sont friables de leur nécessité à ravitailler un sentiment. Rien n’est plus fragile qu’une lance enfoncée dans la neige. Quelques gouttes de sang séché sur une ardoise me rappelle le difficile combat entre la raison et l’émotion ressentie dans le froid. Le bruit de l’éclatement des phrases qui s’empilent dans ma tête me laisse supposer l’eau pantelante dans les mouvements de désarroi que je ressens. Je suis amputé du présent lorsque je le réfléchis et je me cogne à l’air lorsque je deviens le souffle de mes sens.