Chaque matin.
Nous sommes ensemencés. Et, nos mémoires sont affamées.
Sous les décombres, la cognée enfonce l’air dans le soupir des cystes. Le monde qui nous entoure parle une autre langue. L’amour se réfugie sous les ailes cendrées d’un albatros. Vorace, il nous dépèce de son bec comprimé aux bords tranchants. De ces heures décoiffées sur la grande tignasse du temps, il ne reste que l’âtre noirci par les bûches de frissons. L’heure a rompu comme un citron broyé par les hélices du soleil. C’est l’air qui ballonne et la mémoire qui se dégonfle.
Des siècles d’abstinence sont couchés derrière moi. Une patrie de froideur et de vide que je retrouverai fatalement au bout de l’aventure comme un jeune enfant ne peut s’éloigner trop longtemps du sein de sa génitrice. Qu’importe l’échéance et la durée. Une vie bien pleine, n’est-ce pas la lueur claire de l’amour qui nous transporte ?
N’est-ce pas la disparition momentanée de toute inertie et de toute insensiblerie ?
Chaque matin, la mort affirme sa cuisante victoire. Elle se réveille d’un pied et se lève comme une girouette grince sous l’assaut du souffle de la lumière. Et ta main passe sur les yeux ouverts, et tes lèvres ignorent les nouvelles syllabes de la terre qui se retourne.
La mort est venue, elle a ressuscité ton regard, elle a ranimé la meule du ciel où se brocardent les rayons du soleil.
Les jours sont trop clairs pour s’élever jusqu’à l’enfance des éclairs. Le blanc posé sur les prairies ressemble à cette crème de lait, ce lait cru, qui a tapissé nos gorges. Partout, l’alphabet de nos premiers pas pique le sol. Le fil du cœur est embusqué dans l’air. Le vent secoue la vitre. Elle est restée ouverte.
J’entends encore l’aboiement derrière le mur. Chaque matin, c’est le même brassage, la même pelle qui soulève les ombres, le même rideau qui recouvre les sanglots des champs délivrés de leur récolte.
Un instant, je te perds dans les arbres brûlés où une corneille s’est posée.La durée est une échéance morte.