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LA COLLINE AUX CIGALES
25 juillet 2012

La clarté des heures inhibées. (8)

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Une fois encore, je m’achève à ton chevet.L’éloignement a perdu la mousse des mots, mais la parole gangrenée conserve encore une part de candeur lisse dans son panier. Il faudrait tout recommencer sans rien défaire. Il faudrait dépailler le silence qui est resté suspendu au menton du vertige et malaxer les mots surgissant du vide. Il faudrait les pétrir comme une pâte d’eau et de farine, leur donner une forme nouvelle, les sculpter de nos mains blanches. 

Néanmoins, je ne voudrais pas être un autre que moi-même. Et pour rien au monde, je n’échangerai ce sang qui coule dans mes veines comme une rengaine sans cesse renouvelée. 

Déjà un chemin qui marche tout prés. Je flotte prés de toi comme ces troncs d’arbres qui descendent le Rhône emportés par le courant jusqu’à la mer.

J’ai le cœur pressé de se dégrafer du néant qui le ronge, le cœur mâchonnant du papier recyclé. C'est-à-dire du papier usagé redevenu vierge. Chaque écriture est un piège, une courroie lisse qui patine sur l’essieu du moulin à Daudet. Je parodie le vent et m’essouffle aussitôt. Je t’approche comme ce nid perdu où il ne reste que quelques plumes. La langue sur l’échafaud, j’entends venir la lame des heures de brouillon où jadis j’écrivais la romance d’un rêve pas tout à fait gémissement, pas tout à fait soupirant. Un rêve d’eau, un songe humide couvrant mon front. Des images éclaboussées par l’odeur du pain, du lait et de la fraternité d’un réveil amoureux. 

Tu avais à peine seize ans et les yeux lourds, chargés de rimmel. Nous le savons à présent, tout l’enduit du monde n’aurait pas suffit pas à cacher le désir contrarié de te séduire toi-même. La nuit défaisait tes rêves et lorsque tu pleurais, c’est le noir gluant qui dégoulinait sur le tapis bordant ton lit. Chaque fois qu’un orage grondait violemment, dans l’auge des déceptions, tu venais me rejoindre sous les draps fraternels, et le contact de nos peaux tièdes comme une nuit d’été te procurait l’apaisement.  

Mon esprit est une matière qui s’allume. Je pense, donc je racle ma conscience jusqu’à l’abattement. J’hallucine la touffe de silence qui gravite jusqu’à ma gorge. Tu es terriblement vivante de cette angoisse. L’abstinence me souille comme un chiffon de mécanicien. Mon gant de sueur touche à ton ombre. Je t’entrevois dans le bâillement de la lumière. Tu coules d’une fissure blanche. Mes membranes fragiles vont plus loin que la rue, plus loin que la fenêtre restée ouverte. Les façades de l’enfance réfléchissent des ombres chinoises. Nous nous resserrons d’un cran. J’arrive doucement à ce fruit que nous n’avons pas mangé. A cet air respiré que nous n’avons pas recraché. A cette arche rose que nous n’avons pas fuie.

Mon cœur, esclave de tes yeux, construit des cathédrales qui dépassent les remparts. La rupture se raconte sans fin. Créneau après créneau, le jour pénètre les os de nos sépultures. Le voyage s’arrête. Une musique se relève.

 

 

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Commentaires
N
j'ai connu la peau tiède fraternelle dont le simple contact apaisait en moi l'enfant apeuré. C'est étrange, j'ai rêvé de ce frangin cette nuit qui venait m'annoncer quelquechose d'important, mais je ne sais pas ce que c'est.<br /> <br /> Ce que je sais là, c'est comme mon sang en est bouleversé et lire tes mots, le contour de ce qui coule dans tes veines, relève la couleur que je cache encore tant sous ma peau...<br /> <br /> Amitiés B.<br /> <br /> Je suis silencieuse, mais présente...
P
Toujours très touchant cette constance dans l'écriture. Enfin cela me touche avec un peu de tristesse.
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  • Dépotoir et déposoir de mots, de pensées... Ici repose mon inspiration et mon imaginaire ; une sorte de maïeutique effrénée et dubitative et il me plait de pouvoir partager à qui veut bien.
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