Après, après tout.
C’est toujours difficile de raconter. Les mots écorchent mes sentiments. Ils brisent sans savoir qu’ils brisent. On croit toujours écrire pour soi de la façon la plus appropriée pour se délester d’une charge semble-t-il inaudible.
Solitude haïssable et délectable, profondeurs cirées à la lisière des frontières rêches devenues des brèches par lesquelles le temps s’évapore.
Je t’évoque et te parle des éclats de souffre qui giclent de toute part. Je suis le relent d’une frustration, la suite incontournable de la rognure des foulées du cœur.
J’écoute mes souvenirs. Ils parlent tout à la fois une langue connue et quelque peu étrangère. Trop de racines me retiennent prisonnier à l’intérieur de moi-même. Aux portes de la mer inondant ma langue, je bois à l’étendue de la plaie. J’éprouve un désir mortel à vouloir vivre. Est-ce ce ragoût de peines, de révoltes et de discordances qui me soulève de la lassitude jusqu’au plafond de l’ivresse ? Quelle est-elle cette joie comblée qui murmure son crissement de craie à l’intérieur du souffle ?
Tu es absente et l’amour demeure. Une rose sur ta tombe ne console pas la nuit traduite par le calme relatif du noir. Mes baisers sont prostrés dans le silence. Il faut la vaillance des fontaines où la flamme perdure pour recoudre un à un les mots étouffés dans la grange du désespoir.
Nos peaux en fumée ont laissé s’échapper le regret du crépuscule étranglé dans nos yeux. L’enclume s’est fêlée et dans ses failles bavardent les forges de nos sourires.
L’extrême danger d’aimer, le fouet qui frappe les lampes qui t’éclairent, les aigles lâchés sur leur proie, et moi, tout petit, aussi fragile qu’un frisson de peau, je me liquéfie sur ta pierre.
Je porte la balafre de mon cœur dans le poing serré que je tends vers le ciel. Des milliers de mouettes rassemblées au-dessus de ma vie disent que demain il fera beau. Je t’attendrai dans le premier filet de lumière remontant la pente du noir.